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Pocheset Littérature  

Panthéon
de Yann Moix
Le Livre de Poche 2008 /  6,50 €- 42.58  ffr. / 345 pages
ISBN : 978-2-253-12166-4
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en août 2006 (Grasset).

Péguyste et Mitterrandien... bref, complexe

C'est un essai historico-politique sur notre petit bout de France que livre Yann Moix sous les artifices du roman et le mascara autobiographique. L'auteur/narrateur (et réalisateur... vient rappeler à intervalles réguliers un Benoît Poelvoorde en forme olympienne, agacé par les prétentions de son scribe d'ami), parle de son enfance maltraitée par des parents volontiers violents et aveugles devant ses velléités artistiques (contre vents et BD, ils veulent qu'il fasse Math Sup). «Mère (n.f.) : celle qui a fait de toi une vie (la vie est la phase approximativement estimée à sept décennies) qui sépare ta figure d'hydrogène de ta gueule de granit».

Cette existence se love dans les interstices d'un marbre dédié aux grands hommes hexagonaux, d'où le titre : Guitry, Voltaire, Moulin, Zola, Edith Stein, Hugo, etc., etc. Mais surtout, deux monstres, deux mentors, faiseurs de l'intellect moixien : 1 - Péguy, le grand frère d'Orléans, le fougueux dreyfusard suspect d'antisémitisme et d'acoquinements nationalistes, le vibrant socialiste fasciné par l'Eglise. 2 – Mitterrand : homme de droite consacré à gauche, vichysso-résistant, grand homme intelligent. Tous deux ont en commun de ne pouvoir se réduire à un seul épithète, trop brillants pour se résumer, sublimes dans le flou et l'épaisseur de leurs parcours. Bref, humains. On apprécie tout particulièrement les passages où l'auteur revêt les habits du fascisme mitterrandien, pour montrer, par un cinglant A + B, qu'on ne peut pas dire tout et n'importe quoi sur n'importe qui, et qu'il n'y a de beauté que dans l'indéfinitif : «C'est drôle, quand même : tous ces gens qui reprochent à François Mitterrand son «fascisme», alors que moi, son fascisme, justement, je me reproche de n'avoir rien pu faire dans François Mitterrand ! L'histoire est une question de point de vue». Ailleurs, contre l'ambition tonitruante d'un de Gaulle, l'auteur oppose la fine mesure du florentin, non moins ampoulée et mégalomaniaque, juste plus cisaillée : «La grandeur de la France de Mitterrand vient de l'intelligence qu'elle a de sa propre position dans la politique, et dans la géopolitique, et dans l'économie, et dans la géographie : un petit pays qui sait qu'il est un petit pays est un grand pays».

Pour le reste, c'est du Yann Moix : très premier jet et en même temps très écrit, mais dans l'abus de la répétition, du jeu de mots. Cacophonique et emporté, le style moixien peut fatiguer à la longue. On lui reproche ici aussi un côté «Histoire intellectuelle» à la Sciences-Po, à la Michel Winock, à la Jean-Pierre Azéma (pour qui se souvient, tout aussi ému que lui, des cours d'histoire de ces deux ténors historiens dans les années 80 et 90). Alors, Benoît a-t-il raison de rappeler son copain derrière la caméra ?... Oui et non, car ce Panthéon se lit vite et se savoure pour son intelligence, le peps de phrases qui, régulièrement, font mouche. C'est intelligent, qualité qui fait défaut à l'empressement journalistique. A une époque où chacun ne voit en Ségolène Royal qu'une (pauvre ?) femme, en DSK qu'un ultra-libéral donjuanesque et en Sarkozy qu'un fieffé fasciste, Yann Moix rappelle la douceur de la complexité humaine. Pas si mal...

Bruno Portesi
( Mis en ligne le 03/11/2008 )
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