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Et tu n’es pas revenu
de Marceline Loridan-Ivens
Le Livre de Poche 2015 /  5,90 €- 38.65  ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-253-09506-4
FORMAT : 10,8 cm × 17,8 cm

Première publication en février 2015 (Grasset)

Revenir ?...

En 2008, Marceline Loridan-Ivens avait publié ses mémoires, Ma vie balagan, dans lesquelles, appuyée de photos, elle tirait le fil de son existence, de la déportation au Saint-Germain de l’après-guerre, de la vie partagée avec Joris Ivens à l’entrée dans le XXIe siècle. Quelques années auparavant, en 2003, elle avait réalisé La Petite prairie aux bouleaux, film dans lequel Anouk Aimée portait le rôle d’une survivante, Myriam, revenant au camp pour une commémoration.

Le film puis le livre sont remplis de cette volonté de dire, de toucher la tragédie personnelle de Marceline Rozenberg, déportée à 15 ans, arrachée avec son père à la vie, détruite mais tentant d’offrir au regard d’autrui ce qu’elle avait pu soustraire au malheur, une forme de rage habitant une silhouette fragile.

Tout n’avait pas été dit. De son père disparu dans la nuit de Birkenau, Marceline Loridan avait raconté le message qu’elle reçut un jour, dans son block, de la main d’un déporté. Et puis le billet fut perdu avant même sa libération et des mots tracés pour sa fille, Marceline a tout oublié sauf l’adresse, «Ma chère petite fille», et la signature, «Shloïme». Cette fois-ci, c’est à ce père tant aimé, ce frère de déportation, que Marceline Loridan s’adresse. Elle rappelle les mois passés à creuser, à trier, à tenter de dormir à l’ombre des chambres à gaz, la perte du monde et des repères qui la constituaient jusqu’alors. Elle retrace le retour, la famille sans le patriarche qui, dans sa force vitale, avec son enthousiasme et ses intransigeances, donnait le sens et la direction. On retrouve le tumulte de Saint-Germain, on repense à son allure gracile dans Chroniques d’un été de Rouch et Morin, on la suit dans ses combats, l’Algérie et bien sûr la Chine avec son mari, Joris Ivens. Mais toujours, en creux, la douleur de la perte, le sentiment qu’il aurait bien mieux fallu que lui, revienne.

Toute sa vie, Marceline Loridan a pleuré son père. Toute sa vie, elle lui a parlé, elle l’a appelé. Aujourd’hui, elle lui répond. D’une jeunesse assassinée à Auschwitz aux engagements ardents de la vie adulte, Marceline Loridan a vécu avec une question la tenaillant, à laquelle elle seule peut répondre : «Cela valait-il la peine de revenir ?». Et nous laisse avec cette interrogation : «Qu’est-ce qui justifie une vie ?»

Amélie Bruneau
( Mis en ligne le 11/11/2016 )
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