Poches
Science-fiction de John Gregory Betancourt
Gallimard - Folio SF 2005 / 7.50 €- 49.13 ffr. / 387 pages
ISBN : 2-07-031450-2
FORMAT : 11x18 cm
Au cœur du Chaos
John Gregory Betancourt s’est naguère attaqué à un grand morceau de la littérature fantastique, une épopée que les amateurs du genre connaissent, apprécient et pratiquent même sous forme de jeu de rôle : le cycle d’Ambre de Roger Zelazny. Il s’agissait, vaste ambition, de donner à ce monument un prélude à la hauteur des aventures du prince Corwin d’Ambre. Un premier titre avait ouvert la voie et planté le décor, mais il semblait prudent d’attendre la suite : c’est désormais chose faite avec Ambre et Chaos, deuxième tome de ce cycle, et le moins que l’on puisse dire des aventures d’Oberon, c’est qu’elles retrouvent le souffle de celles de Corwin. Trahison, chevauchées, bagarres, magie, tout est là, à un rythme effréné. L’auteur ne cherche certes pas à se dégager de l’ombre du maître, et tant dans le style que dans l’histoire, on a parfois l’impression de lire du Zelazny : il ne s’agit pas de faire ici œuvre d’originalité, mais plutôt de concevoir ces aventures comme un hommage attendu par nombre de lecteurs frustrés par la fin abrupte des aventures de Merlin (petit-fils d’Oberon… ah, la famille !), et Betancourt y réussit impeccablement. Ne boudons donc pas notre plaisir et lisons !
On est dans le registre du drame classique : unité de lieu (les cours du Chaos), unité d’action (un complot se trame dans l’ombre du trône du Chaos, visant la famille d’Oberon), unité de temps (l’affaire dure quelques semaines). Peu de personnages (Oberon, son frère Aber, quelques membres de la famille et autres créatures chaotiques) mais de l’action et des interrogations en pagaille, avec à terme, la création de la Marelle (rien que ça !), centre de l’univers ambrien, que les fans connaissent bien. L’auteur en profite pour explorer ce lieu bizarroïde qu’est le Chaos, sorte de dimension primordiale dont toutes les autres réalités sont issues. Les fans d’Elric le nécromancien (M. Moorcok) apprécieront de retrouver un monde déjà exploré, à la réalité instable, aux créatures fantasques et aux mœurs à la fois sauvages et aristocratiques. Mais surtout JG Betancourt se livre, dans le cas d’Oberon, à un bel exercice d’introspection qui permet de saisir la particularité du héros, sa différence, sa fragilité et ce qui fait son élection en tant que futur fondateur de dynastie. Les frères et sœurs, magiciens, artistes, guerriers, tous aussi méfiants, paranoïaques, et dangereux les uns que les autres, composent une magnifique galerie familiale qui reste encore à explorer, tant les allusions, les mystères, les références et les énigmes s’accumulent. Bref, voilà une série bien partie, rien moins que chaotique et qui fait honneur à son inspirateur.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 08/09/2005 )
www.parutions.com
(fermer cette fenêtre)