Bande dessinée
Historique de Alain Paris , Fred Le Berre et Stefano Palumbo
Les Humanoïdes associés - Dédales 2006 / 10.40 €- 68.12 ffr. / 48 pages
ISBN : 2-7316-1797-7
FORMAT : 22,5x29,7 cm
Le Teutonique est fourbe
Survivre à une tentative d’assassinat relève de la chance, survivre à deux tentatives semblerait plutôt l’indication d’un destin… Pour Ogier de Murol, gentilhomme auvergnat devenu prévôt des Chrétiens de Galata (le quartier chrétien d’Istanbul), c’est toutefois un destin menaçant. À peine en fonction, les menaces pleuvent, les rivaux s’excitent et les mystères se dessinent : qui veut l’assassiner ? Et dans quel but ?… Et s’il n’était pas la cible ? Et si, par un hasard improbable, il avait sans le vouloir mis le nez dans une affaire bien plus ancienne et bien plus importante, une affaire qui touche à son passé de chevalier teutonique. L’enquête, qui le mène des bas-fonds d’Istanbul aux monastères orthodoxes des Météores, l’entraîne sur la piste d’un crime ancien, et d’un criminel nettement plus retors que prévu.
Tous ceux qui ont déjà parcouru les ruelles d’Istanbul avec Ogier de Murol, dans le premier tome de la série Galata (Le Poète assassiné), savent que le prévôt auvergnat n’est guère diplomate, et que ses méthodes à coups de rapière sont plutôt expéditives (mais efficaces). Dans un premier album assez réussi, on l’avait quitté mourant, empoisonné par une chemise… La suite le retrouve en bonne santé (et fort logiquement encore ! mais c’est une surprise), et passablement énervé. Il faut dire qu’on aura tenté par deux fois de l’assassiner, qu’on lui a mis dans les pattes un adjoint farfelu, Garofette, amateur d’inventions léonardesques, et que son adversaire, le fils du Doge de Venise Gritti, est plutôt du genre agressif. Bref, il va encore y avoir du grabuge, des coups d’épées et des dégâts… Et peut être aussi des vérités inattendues et des trahisons.
Voilà une série originale et bien rythmée : Ogier de Murol est un sanguin, qui ne s’embarrasse guère de prudence. Heureusement, des embarras, il en a, à commencer par son adjoint. Le couple d’enquêteurs qu’il forme avec le jeune Garofette, et qu’on résumerait faussement par « la tête et les jambes », est d’emblée attachant, parce qu’il n’est pas aussi stéréotypé qu’on le penserait (du genre l’intellectuel et le spadassin) et, de ce fait, parfois surprenant. Mais surtout, le scénario concocté par Alain Paris et Fred Le Berre (auteur aussi de l’excellent Shimon de Samarie, également aux Humanos) rebondit dans ce deuxième tome, comme un bon thriller, avec une révélation qui change complètement l’angle de vue. La collection Dédales fait une fois de plus la démonstration qu’un bon polar historique, adapté avec talent, fait un album de bande dessinée très réussi. Le graphisme de Stefano Palumbo y est pour beaucoup, de fait : si le dessinateur transalpin a encore cette manie un peu irritante de représenter ses personnages comme des super héros de comics (avec musculature bodybuildée et postures à la Mr Univers), il brille par contre dans les cadrages, la mise en scène (très vive et nerveuse) et les décors. Le travail de Valérie Beltran, aux couleurs, est également à souligner ; il donne à l’ensemble une texture et un relief impressionnants, très séduisant. Bref, une série pleine de qualités, qui sait satisfaire l’amateur de crimes d’époque.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 14/07/2006 )
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