Bande dessinée
Manga de Erica Sakurazawa
Asuka 2005 / 9,00 €- 58.95 ffr. / 208 pages
ISBN : 284965045-5
FORMAT : 15x21 cm
La raison a ses raisons que le cœur ignore
Minako est la meilleure amie de Saki. Comme toutes les jeunes femmes de leur âge, elles se confient leurs secrets, font du shopping à en perdre haleine et montrent un intérêt démesuré pour tout spécimen du sexe opposé. Enfin, surtout la blonde Saki… Pour Minako, tout n’est pas si simple. En effet, quel est ce serrement étrange qu’elle a au cœur lorsque son amie est en présence du beau Ken, amant fougueux et volage ? Pourquoi donc déteste-t-elle autant la belle insouciante dans ces moments-là ? Et pour quelle mystérieuse raison son regard se voile-t-il quand il s’agit de s’éloigner ne serait-ce qu’un instant de Saki ?
Ce très classieux one-shot à la couverture troublante scellée par un titre aux lettres de sang, tente de saisir la difficile frontière qui circonscrit les sentiments de tout un chacun : ballottée entre amitié amoureuse, amour haineux et haine passionnelle, Minako expérimente ici la complexité du sentiment amoureux, qui échappe à toute norme et à toute règle.
Esclave de sa passion secrète, la jeune femme sombre dans un petit jeu pervers déroutant en couchant avec les petits amis successifs de l’élue de son cœur, comme pour mieux la comprendre et mieux l’approcher.
Un certain malaise s’instaure ainsi au fil des pages : minée par son amour à sens unique, la lolita – érotomane juste ce qu’il faut - se montre de plus en plus exclusive envers Saki, et désagréablement envahissante. Dévorée par la jalousie, son esprit ne connaît aucun repos et son tourment prend une tournure exquisément dévastatrice lorsqu’elle se retrouve dans l’humiliante situation de confidente, reléguée au rang de spectatrice impuissante des pérégrinations amoureuses de Saki, nymphomane délurée et froide comme la glace au demeurant.
Sakurazawa brosse sans concession le portrait d’êtres à l’humanité déconcertante, ayant toutes les peines du monde à contrôler un tant soit peu leurs existences désordonnées : le regard lucide qu’elle porte sur ses personnages, ainsi que son approche du corps – bien plus cru que chez Ebine - et l’usage d’un langage souvent trivial offrent une vision forcément désespérante de la nature humaine. Son héroïne se retrouve finalement dans une impasse, une histoire qui restera en suspens, comme si l’auteur se refusait à écrire les derniers mots de ce roman sentimental. Après tout, le plus important n’est-il pas ce que l’on éprouve ? Seul ce qui est mené à terme et réalisé en bonne et due forme existerait-il ? Définitivement non. La virtualité des choses n’en amoindrit pas pour autant leur force et, même si les situations changent, Sakurazawa semble vouloir nous dire que les sentiments restent, immuables, condamnant Minako à vivre avec au fond du cœur cet amour, réel bien qu’inassouvi…
Océane Brunet
( Mis en ligne le 16/02/2005 )
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