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Bande dessinéeet Réaliste  

Le Carnet rouge
de Teddy Kristiansen
Soleil - Latitudes 2007 /  19.70 €- 129.04  ffr. / 72 pages
ISBN : 2-84946-614-8
FORMAT : 25x34

Toile de maître

En écrivant la biographie d’un poète anglais, un écrivain veuf et solitaire, William Ackroyd, tombe sur les traces d’un jeune peintre mort pendant la Grande Guerre et dont l’œuvre, apparemment d’une grande qualité, reste étrangement inconnue, comme inexistante. Quel est le secret de ce Philip Marnham ? Qui est le mystérieux mécène qui l’a aidé dans sa quête artistique ? Pourquoi l’existence de l’artiste reste floue, ignorée par l’histoire de l’art ? Au fil des carnets colorés écrits de la main de Marnham, le biographe va entrevoir des réponses à toutes ces questions et mettre à jour l’étonnante histoire de ce soldat inconnu du pinceau, mort sur le front et laissant derrière lui (au moins) un chef-d’œuvre célébré par tous...
Très bel album sur la création, Le Carnet Rouge se développe sous forme d’une enquête qui voit le narrateur suivre les pas de ce peintre exigeant et ambitieux, d’abord dans le Paris de 1910 puis dans les tranchées. Certaines pièces du puzzle manquent et c’est seulement lorsque les différents carnets de notes auront été regroupés que le biographe –et le lecteur- pourront pleinement apprécier l’histoire de Marnham. Le vieil homme, lui, flirte avec la mort et son existence tourne autour des disparus qu'il s'acharne à faire revivre : le deuil de sa femme qu’il vit au quotidien s’ajoute à cette existence du peintre qu’il n’a pas connu mais dont il retrace le parcours mouvementé. Et les rares personnes qui auraient pu l’aider dans son enquête sont aussi décédées, narguant le pauvre homme de plus en plus isolé.

Dessinateur inspiré et qui a plus d’une fois prouvé son talent dans divers comics, Kristiansen signe là un livre très personnel, une belle histoire racontée avec suffisamment de discrétion et de pudeur pour ne jamais verser dans le spectaculaire incongru ou la lourdeur morbide. Si l’on regrette un manque de matière dans certaines scènes (notamment le Paris des années 10), cette absence de décor et ce contexte réduit à l’essentiel servent aussi un récit très épuré dans ses faits, travaillant au corps ses personnages et les quelques actes qui les conduisent. Œuvre resserrée, focalisée sur un unique objectif, le livre procure un étrange sentiment mêlé de frustration (on aurait voulu en voir plus), et d’admiration.
Graphiquement, l’album suit cette même envie d’une certaine retenue. Kristiansen parfois beaucoup plus énervé et même – pourquoi pas- expressionniste, assèche ici son trait, calme ses ardeurs et met du gris dans ses couleurs. Le résultat est à la fois très sobre mais ne masquant jamais le grand talent du dessinateur, et même si les scènes de guerre semblent esthétiquement plus convenues, l’ensemble reste d’une grande cohérence et d’une évidente qualité.
Un bel album à découvrir.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 06/02/2007 )
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