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Bande dessinéeet Réaliste  

L’Accablante apathie des dimanches à rosbif
de Gilles Larher et Sébastien Vassant
Futuropolis 2008 /  25 €- 163.75  ffr. / 252 pages
ISBN : 978-2-7548-0104-1
FORMAT : 18,5x26,5 cm

Pas du tout accablant…

Brice Fourrastier est LE comique à la mode : son spectacle, « L’accablante apathie des dimanches à rosbif » cartonne, les éditions DVD se vendent comme des petits pains, les télés se l’arrachent, la radio le vénère et il vous cite du Sacha Guitry avec aisance, entre deux blagues décontractées. Bon, il a aussi quelques névroses en banque, et un handicap sentimental certain, mais rien de bien grave : à 40 ans, avec une psy (délicieuse), on peut envisager l’avenir, des enfants même… Puis viennent l’angoisse, les « résultats médicaux étranges », le verdict, les malaises, la camarde, le crabe, la maladie si dégueulasse qu’elle ne vous laisse pas 6 mois de vie, le show qui ne va plus go on… Alors Brice se prépare, prépare son dernier spectacle, l’ultime, ses adieux au public, aux amis, aux parents, à la scène et à la vie… Promis, vous allez rire !

Un titre impossible, une intrigue plutôt morbide… à première vue, on se dit qu’il y a plus porteur qu’un album sur les derniers moments d’un comique condamné. Certes, on songe à Pierre Desproges, et à un humour si corrosif qu’il ne s’est pas épargné en cadavre… Hommage alors ? Mais le charme opère pourtant immédiatement, magnétiquement, dès les premières pages. Le lecteur est aspiré par ce type, son quotidien de star interviewé par des débiles (mention TB pour les caricatures à peine forcées des présentateurs télé et radio, aussi populistes que vains : Ardisson et consorts se seront sans doute reconnus…), ses sketchs qui scandent une vie plutôt normale (copains, drague…), et puis, au détour d’une page, la maladie, subtilement, fait son apparition, jamais vraiment terrifiante (on joue sur les ombres, les dialogues, les symboles même comme cette épée de Damoclès qui flotte sur chaque passant) ni même nommée, mais de plus en plus présente, en sourdine, obsédante, victorieuse au final. Et la vie s’en ressent, les copains, les confidents, le public : la dernière scène. L’album pourrait être sinistre, il est émouvant, un peu triste, mais scotchant. On sourit parfois, on a du mal à ne pas penser à cette ombre qui plane, mais on en ressort ému et touché par les efforts du héros pour que, justement, le show continue. Le texte de Gilles Larher est un mélange très subtil de sobriété, d’émotion contenue, de fantaisie douce et d’espoir (si, si !) en demi teinte, c’est tout simplement beau, réussi, servi par un graphisme tout autant sobre et incisif de Sébastien Vassant qui, en quelques traits, brosse un visage, une salle de spectacle. Le noir et blanc suffit au décor de cette comédie dramatique intimiste, qui ne recule pas devant la litote ou l’allégorie pour évoquer les choses tristes et graves, légèrement. De fait, ces deux-là se sont trouvés autour de cet album… « parce que c’était lui, parce que c’était moi »… Un roman graphique d’une grâce incontestable, une œuvre forte à découvrir absolument.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 19/03/2008 )
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