Bande dessinée
Fantastique de Lewis Trondheim
Dupuis 2017 / 12 €- 78.6 ffr. / 52 pages
ISBN : 978-2-800-17034-3
FORMAT : 21x29 cm
Othello sur Astolia
Surintendant du royaume d'Astolia, doté de capacités magiques et d'artefacts puissants, Ralph Azham a tous les atouts pour établir un règne serein, et plus trop d'ennemis proches... Certes, les menaces existent, mais elles sont lointaines et la vie pourrait être douce : le crime est presque éradiqué par une justice quasi immédiate exercée directement par Ralph en personne, les bleuis - ces mutants jusque là chassés - sont désormais les protecteurs de l'ordre... Et puis voilà, le soupçon, l'éternel soupçon, un espion dont la fuite trahit le crime, une communauté qui se cache et dotée de pouvoirs tout aussi menaçants, et surtout Zania, la compagne des mauvais puis des bons jours, l'amoureuse fidèle... mais dont le nouveau pouvoir finit par inquiéter Ralph. L'ambiance est shakespearienne, et Othello règne en Astolia, un Othello non pas jaloux, mais prudent et dont la prudence tourne à la paranoïa.
Avec ce dixième tome, Trondheim progresse dans un récit désormais bien installé : dix tomes, c'est un univers qui se révèle album après album, un monde dont le côté léger et fantaisiste du début est peu à peu remplacé par une ambiance lourde de trahison, de vertige du pouvoir... Ralph Azham chemine toujours entre une sorte d'ironie cynique et un usage arbitraire de ses pouvoirs, au nom de sa seule morale. Confronté à des immortels qui préfèrent rester discrets, soupçonnant un complot dont il ne connait pas les formes, Azham s'isole, obsédé par une valeur cardinale, la vérité. L'hybris - cette ivresse du pouvoir - le guette t-il ? Ou bien est-il encore ce juste qui veut rétablir un ordre dans un royaume et sait sacrifier jusqu'à son couple. Trondheim s'engage désormais dans un récit très adulte qui, tout en jouant sur l'esthétique douce de son trait, nous emmène du côté de Machiavel et du Trône de fer. Une série toujours aussi dynamique, et dont le cheminement s'avère de plus en plus intéressant : où tout cela nous emmènera-t-il ? La question qui fait les bons romans se pose...
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 21/07/2017 )
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