Bande dessinée
Science-fiction de Serge Le Tendre et Servain
Delcourt - Neopolis 2000 / 13.59 €- 89.01 ffr. / 72 pages
ISBN : 2-84055-307-4
FORMAT : 24 X 32
Futur proche
Fille du savant Sidney Mac Guffin, Siloë n'est pas une petite fille comme les autres : née à sept mois après que sa mère fut gravement exposée aux rayons issus d'une expérimentation de physique nucléaire menée par son mari (elle mourra à l'hôpital alors que les médecins viennent de sauver son enfant), la fillette de dix ans développe des pouvoirs télépathiques hors du commun. Depuis le décès de sa femme, Sid a cessé ses travaux mais le potentiel génétique de l'enfant n' a pas échappé aux chercheurs vénaux du Consortium (principal trust "technico-financier" de la nation), qui veulent s'en servir comme d'une arme politique.
Il faut signaler que depuis une dizaine de jours, des attentats à répétition sont commis à Washington : des drogués vieillis prématurément (losties) au visage recouvert d'un masque "100% holographique" (newface mask) jouent aux kamikazes en se faisant sauter au milieu de la foule tandis que la cervelle des passants se trouve comme "rongée" par des ultrasons. La vague de ces psybombes incontrôlables terrifie et la population et Steiner, l'actuel président du pays.
Dans ce futur effrayant où le pouvoir économique est aux mains de quelques individus peu scrupuleux, le bonheur ne semble dépendre que de la fréquentation du magique "dream box" inventé par le Consortium équipant la plupart des foyers et permettant d'évoluer dans l'univers de ses rêves. Abbigaïl Maiden, dite Abbie, l'une des infirmières ayant participé à l'opération de la femme de Sid lors de son accouchement a cru percevoir l'étrangeté de Siloë dont le regard la "mordait" quasiment. Soupçonnant qui plus est l'existence de dysfonctionnements dans les D-Box qui ne semblent pas faire revivre que les meilleurs moments du passé, Abbie en informe son petit ami Norman Hawking -clin d'oeil au physicien Stephen Hawking, auteur d'Une brève histoire du temps ?-, un vétéran de l'espace, ancien membre des commandos, devenu journaliste pour Chic Channel.
Précisément parce qu'il tend à croire que les D-Box transforment le citoyen qui en abuse en losty, Norman décide d'enquêter sur les travaux de Sid et de rencontrer Siloë afin de déterminer si ces pistes se recoupent ou non… L'histoire se veut un écho à la technologie de pointe : ainsi, l'invention du père de Siloë touche-t-elle au domaine des particules élémentaires : en tentant de fragmenter le plus petit atome de l'univers, le quark, avec un jet d'ultrasons, Sid a jadis été sur le point de diviser des particules à la fois d'espace et de temps, autrement dit d'approcher des conditions du big bang. Atteinte à l'ordre de l'univers qui lui vaut le coup du sort qui s'abat sur sa famille et le poursuit en la personne de son enfant malade, aux crises épileptiques fréquentes depuis qu'elle est le cobaye du Consortium.
Le Tendre, décidément aussi à l'aise dans la science-fiction que dans le western (le quatrième volet des aventures de Chinaman vient de sortir aux Humanoïdes Associés) se plaît à brosser un portrait très sévère, voire moraliste, de l'avenir. La ville futuriste telle qu'il la conçoit fait songer au Cinquième Élément bessonnien mâtiné d'un brin de Total Recall. L'histoire est remarquablement illustrée par les planches de Servain qui, en passionné d'informatique, modélise ses dessins en 3 D, obtenant ainsi un rendu informatique sans textures ni lumières, avant de les intégrer dans la trame.
Le choix des teintes, où dominent bleu et vert pour l'ambiance des décors, orange et rouge dans les temps forts du scénario, colle idéalement à l'esprit de cette saga d'anticipation. Le rythme est conféré par une alternance de plans larges/plans rapprochés qui impulse à l'ensemble une dimension incontestablement cinématographique. Bref, scénariste et illustrateur, le duo s'entend comme cochons dans l'espace. Avec ce tome 1 de l'Histoire de Siloë, Le Tendre et Servain soulignent la fragilité des individus face aux intérêts de lobbies économiques prêts à déclencher la fin du monde au nom de leur seul bien: ce n'est sans doute pas un hasard si des porte-parole de l'église essénienne traversent l'ouvrage de part et d'autre en dénonçant la perte des valeur morales de la société Tel est, non la nature, mais le début de la gangrène sournoise rongeant l'humanité, dont la maladie qui frappe Siloë n'est que le symptôme.
Frédéric Grolleau
( Mis en ligne le 07/12/2000 )
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