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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Insomnie et autres histoires
de Adrian Tomine
Delcourt - Outsider 2008 /  13.50 €- 88.43  ffr. / 104 pages
ISBN : 978-2-7560-1581-1
FORMAT : 19x26,7 cm

Humains, trop humains

En même temps que la publication du dernier Tomine (Loin d’être parfait, dans la même collection), Delcourt publie ce recueil d’histoires parues entre 1995 et 1998. Un échantillon précieux, jamais gratuit, de ce que l’auteur américain sait faire de mieux : des courts récits intimes et amers, canapés (plus que tranches) de vie où le quotidien est toujours envahi par une triste torpeur, un mal être profond qui ne s’évacue jamais totalement, où le mutisme et le repli sur soi semblent être les seules parades trouvées pour faire face. Les personnages de Tomine, s’ils s’expriment souvent en voix-off ne sont pas de grands bavards et encore moins des expansifs. Leurs émotions, leurs sentiments, il faudra aller les dénicher soi-même, derrière une tête baissée ou un sourire de travers, sous un calme pesant ou une allusion discrète. C’est dans des dialogues qui ne disent pas tout et des silences bavards que Tomine parvient à nous faire entrevoir le véritable mal-être vécu par ses protagonistes.

Seize histoires de une à onze pages sont ici réunies : belle succession de clichés en noir et blanc captant des moments anodins (la dégustation d’un sandwich dans une voiture, un rendez-vous avec une ex…), de brèves rencontres, mais aussi des aventures urbaines plus violentes (une agression dans la rue, un suicide, des voyous dans le bus…). Chacun de ces moments, derrière sa relative banalité, sonne pourtant comme si, dans la tête des personnages, il ne sera jamais oublié. Tomine raconte ces instants qui restent gravés et ces souvenirs insignifiants qui les entourent. Acteurs de ces saynètes citadines, des personnages souvent seuls, isolés du reste du monde faute de communication, d’ambition, de combativité. Humains, trop humains, les personnages de Tomine nous ressemblent et nous parlent.

La narration fine de Tomine est portée par une ligne pure et délicate, comme un réalisme tamisé, réduit à son essentielle pureté. Le dessinateur scrute les visages, capturant un regard, une posture. Jouant d’une mise en scène toujours à hauteur d’homme, l’auteur aime se faire discret, invisible, jusqu’à savoir s’éclipser au moment opportun, laissant ses récits orphelins, privés de chute, et suspendus dès lors dans une mélancolie qui semble profondément durable, intenable.

Douze de ces histoires avaient déjà été publiées dans le recueil Les Yeux à vif (Delcourt, 1998). À l’occasion de cette ressortie dans la collection « Outsider », quatre récits inédits ont donc été ajoutés, quatre nouvelles petites perles. Une occasion renouvelée de faire connaissance avec l’un des auteurs américains les plus brillants du moment.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 23/12/2008 )
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