Bande dessinée Chroniques - Autobiographie |
Mobutu dans l’espace de Aurélien Ducoudray et Eddy Vaccaro Futuropolis 2015 / 18 €- 117.9 ffr. / 112 pages ISBN : 9782754810906 FORMAT : 21x29 cm Space Mobutu Le Zaïre, nation spatiale… qui y aurait cru ? Mobutu, le dictateur fou ? Son peuple hypnotisé ? Les occidentaux inquiets ? Et pourquoi pas Manfred, un jeune ingénieur munichois envoyé pour développer cette industrie, et qui découvre les réalités ougandaises : corruption, intimidation, magie, manipulation, révolution même. Le Zaïre de Mobutu est une nation dynamique et lesté par un passé colonial encore pesant en 1978. Et dans cette Afrique mystérieuse, Manfred arrive… sans idées, avec sa bonne foi et ses compétences d’ingénieur. Mais rapidement, l’Afrique se rappelle à lui : un collègue marabouté, un griot devenu gardien, une base spatiale improbable, perdue au cœur de la brousse et soumise à des coupures de courant stratégiques, un singe protecteur, un sculpteur local devenu l’architecte du projet spatial zaïrois… Au fur et à mesure de sa découverte du Zaïre, Manfred perd beaucoup : ses chaussures, ses illusions, sa candeur… et au cœur de tout cela, comme une apothéose : Mobutu, ses fêtes, son luxe clinquant, un psychopathe charismatique et puissant, menant grand train et prétendant incarner une Afrique neuve, résiliente, révolutionnaire. Mais l’homme est, à l’instar de l’Afrique, plus compliqué qu’un stéréotype forgé à Munich, et Manfred fait l’apprentissage du post colonialisme et de ses pièges… Délirant mais pas complètement fantaisiste : l’histoire des projets spatiaux de Mobutu permet, dans des raccourcis saisissants, de dresser un tableau baroque du Zaïre sous Mobutu, tableau d’une dictature tiraillée entre un passé traumatisant et une modernité complexe à digérer…Sur un scénario d’Aurelien Ducoudray, dont on connait déjà l’ironie douce mais implacable (La Faute aux Chinois, Futuropolis), Eddy Vaccaro entraîne le lecteur dans une Afrique improbable, bien éloignée de Tintin au Congo : une Afrique où l’on coupait naguère les mains des hommes pour montrer la fermeté du colonisateur, une Afrique devenue le jouet des puissances, qui manipulent autant qu’elles sont manipulées. Le graphisme oscille gentiment entre réalisme et caricature, avec une touche onirique qui donne à l’ensemble un côté « réalisme magique » très efficace. Eddy Vaccaro a su échapper au réalisme cru pour raconter une histoire… irréaliste, à la fois poétique et terrifiante de cynisme. Surtout, le rythme imprimé par le scénario est échevelé : on ne s’ennuie pas une seconde et à l’instar du héros, on passe d’une péripétie à l’autre, dans un apprentissage à la dure de la vie zaïroise. Il règne une folie… pas douce… dans ce récit brillamment orchestré et mis en image, comme une illustration finalement très vériste de cette dictature tropicale. Manfred, Candide sur le mode germanique, découvre, s’adapte, tente de comprendre avant un final très Audiardesque. Un vrai plaisir sur le mode de l’humour gentiment corrosif, pour les amateurs d’Afrique mystérieuse. Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 24/08/2015 ) |
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