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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Mon bel amour
de Frédéric Poincelet
Ego comme X 2006 /  28 €- 183.4  ffr. / 176 pages
ISBN : 2-910946-55-X
FORMAT : 20 x 28 cm

La valse des sentiments

Mon bel amour est une valse des sentiments à seize temps dont la mesure est battue par des cœurs abîmés. Au rythme de l’air du temps, les êtres se croisent et se toisent, se confient et se disputent. Il y a des couples amoureux, des futurs largués mélancoliques et des anciens célibataires nostalgiques. Tous sont ici observés à un moment de leur vie, ni crucial ni déterminant, juste une conversation ou un moment d’intimité. Tous ces riens qui, s’ils sont certes petits, n’en sont pas moins des étapes classiques et nécessaires du parcours amoureux. De l’anecdote coule des instants précieux, lorsque la tendresse devient désir, et d’autres plus amers quand soudainement on ne reconnaît plus l’autre ou, au contraire, on se sent abandonné sans lui.

Seize scènes de vie donc, captées au plus près de ces corps qui se repoussent ou se retrouvent, de ces couples qui se déchirent avant de se réconcilier. Frédéric Poincelet braque son crayon grand angle sur ces visages tristes, observe la chorégraphie d’un corps qui ne sait plus sur quel pied danser, considère attentivement le rapport sexuel et montre ce qu’il y a à montrer. Les dialogues, concis mais justes, s’effilochent dans des bulles aux contours accidentés rappelant la fragilité d’une voix qui cherche ses mots. Le verbe est important parce qu’il fait, et surtout défait, l’autre, mais les silences, les gestes et les regards forment ici le vrai langage du cœur.

Si des visages se retrouvent d’une scène à l’autre, les couples ne sont parfois plus les mêmes. À partir d’un casting de départ, les combinaisons s’inversent et les acteurs échangent leurs rôles. Poincelet, lui aussi ponctuellement comédien dans quelques planches, n’est pas le metteur en scène, il s’efface et fait de la bande dessinée vérité. Car son dessin dynamique et usant du réalisme photographique est magnifiquement vivant et évolue dans la page sans cadre ni barrière. Souvent, la ligne s’éteint sur les bords, évoquant un hors-champ du bout de ses courbes. L’attention est portée sur le sujet principal, le point est fait sur l’humain avant tout. Par rapport à ses ouvrages précédents, le trait de Poincelet s’est allégé, et tout en conservant une certaine fébrilité, le dessinateur ne garde ici plus que l’essentiel. Il y a dans ces fonds unis que griffent un trait aussi précis que nerveux une économie de moyens remarquable. Rien ne manque dans ces instants volés et la vie nue et sans fard apparaît à chaque page.

Voilà donc un ouvrage rare et beau, convoquant une esthétique frappante et originale. Tout l’art du dessin au service de l’émotion et de la vérité.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 16/04/2006 )
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