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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Celle que… (tome 1) - Celle que je ne suis pas
de Vanyda
Dargaud 2008 /  14 €- 91.7  ffr. / 192 pages
ISBN : 9782505003441
FORMAT : 24x17 cm

L’année la plus longue

Vanyda s’était déjà fait connaître en signant L’immeuble d’en face à la Boîte à bulles, une série de deux albums qui traite du quotidien avec finesse, et qui a fait d’elle un des premiers noms (peut-être le premier) de la transposition des codes du manga au sein de la bande dessinée franco-belge. Elle ne se contente pourtant pas de décalquer les formes, mais opère une synthèse entre les traditions.

Celle que…, la série qui la fait entrer chez Dargaud, est d’apparence plus proche du shojo manga d’origine. Sous un format « roman », elle décrit la vie d’un groupe de collégiennes, aux amours hasardeuses. En invoquant quelques exemples du genre, le célèbre Fruits Basket ou le mystérieux Lolita Angel Night.
Mais il ne s’agit pas pour autant d’une bluette comme on en lit beaucoup, en particulier dans le manga « à la française », avec des coups de théâtre à la petite semaine et de grandes passions synthétiques. Vanyda prend son sujet de l’intérieur.

Valentine, l’héroïne, a les apparences d’une figure cousine de l’autobiographique. On sent le poids du vécu dans une histoire réaliste et sensible, avec des personnages vraisemblables. Mais comme s’interroge sa prof de français, « Peut-on, et doit-on tout dire dans une autobiographie ? ».
D’ailleurs, Valentine parle peu, que ce soit au lecteur ou à ses copines. Mais son visage ne trompe pas. Ses émotions, elle a beau les dissimuler, elles nous arrivent sans un détour, le temps d’un regard en coin ou d’un sourire. Le temps de quelques rêves, aussi, qui lui permettent d’inventer une vie plus idéale que la sienne.
D’anecdote en anecdote, on sent le long cheminement de son année de troisième, et ses rapports ambigus avec sa bande de copines. Incapable de se trouver une identité propre, de s’exprimer sur quoi que ce soit, encore moins d’avouer sa passion pour le beau Félix, elle se contente de suivre sans volonté les chemins que le destin lui fait emprunter. Au risque de se perdre ou de laisser passer sa chance. Elle se plie aux désirs de ses camarades, et même lorsqu’elle tente de se rebeller, finit par se faire avoir. Valse d’un groupe où les personnalités s’entrechoquent, se mêlent, s’opposent.

« Celle que je ne suis pas » nous dit ce premier tome, portrait en creux d’une adolescente qui se résigne à imiter ses copines faute de mieux. Mais les volumes suivants nous annoncent un roman d’apprentissage encore en gestation, qui fera se lever Valentine et naître son identité. On est au moins aussi curieux qu’elle.

Sans doute il ne se passe pas grand chose dans ce récit. Longue et vide année de troisième, comme tant d’années adolescentes. Mais il vaut surtout par le tableau que brosse Vanyda, très bien vu, très bien senti. Personnages, situations, dialogues, rien n’est laissé au hasard. Si beaucoup d’éléments sont tus dans la vie des personnages, on a pourtant l’impression de les connaître aux infimes détails dont elle se sert. De sorte qu’on plonge avec elle dans la conscience de l’ado mal dans sa peau.
La bande dessinée est ici utilisée comme un média intelligent, qui rend compte de la complexité des choses. Avec une forme fine et personnelle.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 28/05/2008 )
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