Bande dessinée
Policier - Thriller de Rodolphe et Jeanne Puchol
Casterman - Ligne rouge 2009 / 10 €- 65.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 9782203016194
FORMAT : 22,6 x 30,3 cm
Faites entrer l'accusé
La nouvelle série Assassins, publiée dans la collection Ligne Rouge de Casterman, se propose de retracer la vie de criminels que l'histoire aura retenus comme étant "hors du commun". Des "biopics" version bande dessinée, comme le dit lui-même l'éditeur, qui promet d'ores et déjà deux autres titres après ce Docteur Petiot inaugural : Le Vampire de Düsseldorf, à paraître en mars 2010, et Violette Nozière, également l'an prochain. C'est à un scénariste chevronné, Rodolphe (Trent, Kenya...), qu'ont été confiés les scénarios de ces trois tomes. Au dessin, on retrouve Jeanne Puchol (La Bouchère au bûcher), qui a notamment signé l'an dernier le tome 7 des Abîmes du Temps, série scénarisée par le même Rodolphe.
Pour toucher le plus large public, le genre imposait une facture classique et un point de vue impartial, dont les auteurs s'acquittent sans problème. L'histoire commence sur l'événement qui déclenchera le scandale : mars 1944, une fumée épaisse et pestilentielle s'échappe de la cheminée d'un immeuble du 16e arrondissement parisien, rue Le Sueur. Alertés par les voisins, les pompiers font une découverte macabre : dans une cave, des cadavres brûlent dans un calorifère... Petiot est identifié, mais le Docteur s'en tire par un incroyable tour d'audace.
Flash-back : Rodolphe nous emmène à Villeneuve-sur-Yonne dans les années 20, brossant une dizaine d'années de la vie de Marcel Petiot, un homme déjà controversé. Jeune médecin, il est apprécié de sa clientèle et n'hésite pas à prodiguer ses soins gratuitement en cas de besoin. Mais Petiot attire aussi les rumeurs : comment se fait-il que toutes ses femmes de ménage disparaissent sans laisser de traces ? Et cette escroquerie à la caisse d'assurance médicale ? Et ce flagrant délit de vol à la consigne de la gare ?
L'étau se resserre et, en 1933, Petiot préfère s'en aller pour s'installer à Paris, où il ne tarde pas à se faire connaître de la police pour ordonnances de complaisance et délivrance illicite de stupéfiants. Quand la guerre éclate, c'est un autre trafic bien plus immonde que Petiot met en place : prétendant être à l'initiative d'un réseau de résistance parallèle, il propose à des juifs de les faire passer en zone libre, moyennant finances. On ne reverra jamais ces personnes, tandis que les valises et les meubles s'accumulent dans les appartements du Dr Petiot... Arrêté par la Gestapo, il est emprisonné et torturé, mais ne révèle rien de son réseau (et pour cause !). Voilà comment Petiot passe pour un héros de la résistance, ce qui lui permettra, après l'incendie de la rue Le Sueur, de disparaître quelque temps sous l'avatar de Henry Valéry, capitaine des FFI. Rattrapé par son destin, Petiot finit par être arrêté en octobre 1944. Face à ses juges, il trouvera encore le moyen de faire preuve d'une assurance incroyable, se réfugiant derrière le personnage de résistant héroïque qu'il s'était créé.
Rodolphe n'avait pas besoin d'en rajouter pour faire de ce portrait une histoire passionnante, tant la personnalité de Petiot est "extra-ordinaire" et utilise le terreau d'une page sombre de l'Histoire, elle-même "extra-ordinaire", pour exprimer toute l'horreur qu'elle portait en germe. Au dessin, le trait de Jeanne Puchol suit la même ligne : réaliste, sobre et efficace. Les auteurs servent donc au mieux leur sujet, pour un résultat convaincant.
Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 28/04/2009 )
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