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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

La malédiction de Gustave Babel
de Gess
Delcourt 2017 /  22.95 €- 150.32  ffr. / 200 pages
ISBN : 9782756081700
FORMAT : 20x26,3 cm

Compartiment tueurs

Gustave Babel est un tueur, redoutablement efficace, doté d’une capacité singulière, celle de comprendre toutes les langues. Au service d’une organisation mafieuse appelée la pieuvre – logique – il exécute, assassine, tue… méthodiquement, et sans états d’âme. Un assassin parfait, dont la frêle silhouette et le goût pour la poésie dissimule une mortelle efficacité.

Et puis un jour, l’événement bizarre, le coup de malchance : sa cible meurt avant qu’il ne l’atteigne, naturellement. Toujours un meurtre de moins sur la conscience, sauf que justement, la conscience se réveille d’un long engourdissement, et Babel se met à rêver, des rêves étranges, psychanalytiques, et qui le désaxent, et le renvoient à une part oubliée de lui-même : son âme, son enfance. Pire, le voilà qui éprouve des émotions, lui, la parfaite machine à tuer sans affect. Colère, désir, amour même, pour une prostituée sentimentale prénomée Mado… pas bon ça, dans le CV du tueur parfait. Et tandis que Babel entreprend de redevenir un être humain, au hasard des missions et des rêves, la pieuvre, insensiblement, resserre sa tentacule autour de cette machine à tuer qui veut devenir un être humain.

De la Commune aux années 30, l’histoire de Gustave Babel est déjà un conte un peu fantastique au pays des apaches, de la mafia, avec, au passage, des morceaux de guerre et d’épopée coloniale. On est dans la France du début du XXe, une France à l’histoire heurtée, et qui cache, dans les marges de ses villes, du crime et des hors la loi. Une France du meurtre à la bonne franquette, au surin ou au pistolet, une France où les assassins vont en villégiature, à l’ombre, en attendant le grand soir. Une France que Baudelaire indispose encore. Mais le monde, au loin, vieillit : la guerre, la modernité. Gess, après avoir mis en scène une mercenaire futuriste aussi efficace que sexy, Carmen McCallum, revisite cette fois l’histoire, la grande, en en investissant les limbes, les marges, avec sa dextérité coutumière. Le trait est riche, dense, sensible, à la fois précis, presque clinique par moment, et aussi un peu flou, en particulier dans la mise en scène des cauchemars de Babel. Le jeu subtil des couleurs, au diapason des émotions renaissantes du héros, comme du contexte, constitue une autre « lecture » de ce roman graphique subtil et émouvant. Un one-shot très réussi, sur un univers décidément prometteur.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 05/04/2017 )
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