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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Mémoires d'une vermine
de Carlos Trillo et Juan Saenz Valiente
Albin Michel 2005 /  13.90 €- 91.05  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-226-15532-5
FORMAT : 24 x 32 cm

Tous pourris !

La vermine en question, c’est le lieutenant de police Lucho Lasabbia. Fringant et élégant jeune homme, héros de la cité pour la presse, Lasabbia cache derrière ses lentilles bleues le parfait flic ripou. Macho, obsédé, corrompu, proxénète, manipulateur, l’homme de loi accumule les mauvais points. Il est de plus atteint d’une méchante gale qui le démange constamment : pas une seule vignette où le personnage ne se gratte pas une partie du corps ! Aussi lorsqu’un avocat lui cherche des poux (il en a sûrement), Lasabbia ne se laisse pas faire et convoque tout son petit réseau de prostituées, d’escrocs et de voleurs, pour contrer l’ennemi.

Après deux séries à succès (Cybersix et Spaghetti Brothers), le scénariste argentin Carlos Trillo revient au meilleur de sa forme avec cet album haut en couleurs. Chaque page révèle une nouvelle sale manie du « héros », et les auteurs s’amusent à faire de Lasabbia la pire ordure inimaginable. La morale est loin d’être sauve mais bel et bien reléguée aux oubliettes, enfermée à double tour. Le cynisme, la soif de pouvoir, la bêtise et la cruauté sont ici les seules valeurs autorisées. La gale qui démange Lasabbia est à l’image de celle qui envahit cette petite ville d’Amérique du Sud, régie par des dirigeants véreux et des trafiquants de toutes sortes. Santa, cité imaginaire, est d’ailleurs un personnage clé de l’album : toutes ses facettes, ses vices et ses injustices sont pointées du doigt par les auteurs. Et les seuls refuges sont artificiels ou illusoires (drogues et diseuses de bonne aventure font leur apparition). Le portrait est chargé et sévère, mais l’humour et le grotesque accompagnent avec habileté la dénonciation.

On retiendra aussi le superbe dessin de Sáenz Valiente qui signe ici son premier album. Un graphisme élancé et privilégiant les déformations de toutes sortes. Les immeubles et les rues se tordent, guidés par d’étranges perspectives venues du cartoon. De même, les personnages, soutenus par des corps dégingandés aux articulations marquées, portent des faciès de carnaval. Le dessinateur est aussi un peintre doué, et il travaille tout son petit monde dans des ambiances lumineuses et colorées, s’éloignant radicalement du classique noir et blanc contrasté dont les dessinateurs argentins s’étaient faits les spécialistes.

Un album très réussi donc, raconté avec brio par un professionnel du genre, et impeccablement mis en images. Reste à espérer que ces Mémoires d’une vermine n’en sont qu’à leur premier chapitre, et que le lieutenant Lasabbia et ses mauvaises manières reviendront vite hanter les rues mal famées de Santa.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 29/01/2005 )
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