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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Shimon de Samarie (tome 1) - Tu ne tueras point
de Fred Le Berre et Michel Rougé
Les Humanoïdes associés - Dédales 2005 /  10.40 €- 68.12  ffr. / 48 pages
ISBN : 2731616385
FORMAT : 29,5x22,8cm

Au temps où l’arche n’était pas perdue

Du polar à la sauce historique : la recette n’est certes pas nouvelle, mais la bande dessinée n’avait pas toujours eu la main heureuse en ce domaine. Avec la collection Dédales, inaugurée par deux titres (dont ce Shimon de Samarie), les Humanoïdes associés se dotent de leur propre collection « Grands détectives », et la référence n’est pas anecdotique. Intrigue, graphisme : la qualité de l’ensemble est irréprochable et l’on est en droit d’attendre beaucoup de cette collection novatrice.

Avec Shimon de Samarie, l’amateur d’histoire de détectives originaux et d’intrigues historiques est transporté dans la Jérusalem romaine du Ier siècle de l’ère chrétienne où le héros, enquêteur laïc du Sanhédrin (le tribunal religieux, célèbre depuis une certaine affaire de crucifixion mettant en scène un hypothétique « roi des juifs ») doit résoudre une série de crimes étranges. Que l’on imagine le climat de l’époque : l’occupation romaine est modérément appréciée, le roi Hérode est un fantoche et les sicaires zélotes (les résistants juifs, qui ne semblent pas encore s’être repliés sur Massada) font souffler un vent de violence en assassinant collaborateurs et dignitaires. A mi-chemin entre les uns et els autres, Shimon le Samaritain, élevé à la romaine, doit enquêter sur le cas d’un cadavre tout frais – celui d’un jeune notable pharisien nommé Meshullam – retrouvé égorgé dans un cellier effondré depuis plus d’un an… Le mystère et le meurtre font bon ménage et notre héros doit chercher dans les coulisses d’une Jérusalem agité par des factions religieuses et nationalistes, et veillée par une armée romaine peu visible, les causes de l’assassinat ainsi que les conditions réelles de sa réalisation. Accompagné de son assistant Réouven, il part donc sur la piste de couteaux en forme de scorpion. Mais l’assassin est-il bien celui que l’on croit ? Le propre du scorpion n’est-il pas de se cacher dans l’ombre chaude de sa victime ?

Le propre d’un bon album de BD, c'est de faciliter des rencontres : entre deux auteurs, entre des auteurs et un lecteur… Et en ce sens, Shimon de Samarie remplit largement ses objectifs. L’intrigue tout d’abord, est tordue à souhaits : cela commence comme un crime terroriste pour se transformer peu à peu en un sombre complot familial avant de se conclure – provisoirement – sur un drame personnel. Le tableau que Le Berre fait de cette Jérusalem proche de l’éclatement est saisissant. Les replis de cette ville noyée de soleil (l’ensemble de l’album se décline en teintes claires) cachent des communautés en effervescence, prêtes à en découdre (qui a dit « comme aujourd’hui ! » ?). Et le rationnel Shimon (on aimerait bien en savoir plus sur sa formation : stoïcienne ?) doit pousser sa raison jusque dans des retranchements inattendus. Quant au graphisme de Rouge, on pourrait le comparer à celui du Giraud de Blueberry : même trait à la fois sec et éloquent, même attention portée aux détails réalistes (cicatrices, postures, décors…). Tout cela donne aux personnages concoctés par Le Berre une densité plaisante, digne d’un bon polar. Au final, l’album est fort sympathique, et atteste largement des possibilités du genre. Une affaire à suivre donc (et sans jeux de mots).

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 29/07/2005 )
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