L'actualité du livre
Bande dessinéeet Aventure  

XIII, tomes 18 & 19
de Jean Van Hamme , Jean Giraud et William Vance
Dargaud 2007 /  10.40 €- 68.12  ffr. / 48 pages
FORMAT : 22x32

La Version irlandaise
ISBN: 978-2-505-00131-7

Le Dernier Round
ISBN: 978-2-505-00130-0


Treize ennuyeux

Ça y est, c'est la fin du mystère pour l'amnésique le plus célèbre de la bande dessinée. Après 25 ans de trous de mémoire, d'interrogations, de courses-poursuites, de rebondissements plus ou moins téléphonés, d'entourloupes en tous genres, de fusillades et de parties de jambes en l'air, XIII apprend enfin sa véritable identité. Apparemment, ça ne lui fait ni chaud ni froid. Ça tombe bien : à nous non plus.
Pourtant, on ne pourra pas dire que l'éditeur n'a pas mis de la bonne volonté pour tenter de transformer ce pétard mouillé en événement éditorial. Ce sont pas moins de deux albums, fort médiatisés, qui sont publiés simultanément pour conclure (provisoirement) la saga de l'amnésique. Surprise : si le second de ces albums est bien signé William Vance, le premier, par contre, est dessiné par Jean Giraud. Et c'est à l'auteur de Blueberry, plutôt qu'à son complice habituel, que le scénariste Jean Van Hamme a laissé l'honneur de révéler au public LA réponse tant attendue.

Dans « La Version irlandaise », l'épisode dessiné par Giraud, Van Hamme pose l'équation suivante : soient deux types sur une montagne. Je retiens un ; reste XIII. Les lecteurs avertis auront compris l'allusion : l'album raconte la randonnée sanglante au cours de laquelle notre héros a vu mourir son meilleur ami, juste avant d'être recruté par la CIA. Nous connaissions déjà l'identité des deux randonneurs : Seamus O' Neil et Jason Mac Lane (ou Kelly Brian et Jason Fly, puisque, dans cette série, on n'est pas avare de pseudonymes), étudiants à l'université de Boulder, Colorado. Ce que nous ne savions pas encore, en revanche, c'est lequel des deux avait survécu à la journée fatidique – et donc, lequel des deux était devenu XIII.
En fin d'album, Van Hamme apporte enfin la réponse définitive à cette question. Mais avant ça, il consacre la majeure partie de son récit à un flashback dans le flashback, au cours duquel Seamus raconte sa jeunesse (celle de Jason a déjà été évoquée dans les épisodes 6 et 7 de la série) : son enfance misérable dans le quartier catholique d'une petite ville d'Irlande, son entrée dans l'IRA, sa participation aux attentats, et sa fuite vers les Etats-Unis, sous le nom de Kelly Brian. Le Kelly Brian qui s'impliquera, quelques années plus tard, dans la révolution du Costa Verde (voir les épisodes 9 et 10 de la série) est-il le même homme, ou bien s'agit-il de Jason ayant pris la place de son défunt ami ?
Une fois réglée la question de l'identité, Van Hamme n'a plus grand-chose à raconter. Du coup, « Le Dernier Round », dessiné par Vance, fait figure de brochure publicitaire de luxe pour l'album précédent : celui-ci y est cité à 4 reprises, couverture et discours marketing à l'appui. Entre deux coupures pub, nous assistons à l'ultime règlement de comptes entre le clan des gentils, réunis autour d'un XIII singulièrement en retrait, et le clan des méchants, menés par l'infâme Irina. À la planche 30, Jessie dévoile à XIII (qui n'a pas lu l'autre album) son véritable nom, et notre amnésique accueille cette révélation avec une totale indifférence.

On l'aura compris : si ce double final présente un quelconque intérêt, il est plutôt à chercher du côté de « La Version irlandaise ». Cet épisode bénéficie au moins, par rapport à l'autre, d'un point de départ solide, et d'un contenu tangible et cohérent. Cependant, il ne tient pas totalement ses promesses : le récit de la randonnée, raconté avec une certaine paresse, évoque irrésistiblement un téléfilm américain du dimanche après-midi. Quant au flashback irlandais, il est un peu trop bavard et n'évite pas les poncifs.
Aux pinceaux, Giraud s'acquitte de sa tâche honorablement, mais sans étincelles. On se demande un peu pourquoi l'immense dessinateur de Blueberry s'est embarqué dans ce travail de commande qui ne semble guère le passionner. Bizarrement, ses planches sont sabordées par une mise en couleurs terne, lourde et déplaisante.
Malgré tout, « La Version irlandaise » est, de très loin, le meilleur album de XIII qu'on ait lu depuis longtemps. On pourra s'en réjouir ou le déplorer, selon qu'on voie le verre à moitié plein ou à moitié vide.

« Le Dernier Round », lui, boxe dans la même catégorie que les quelques tomes précédents. Poids plume, donc. Rien à sauver dans cet épisode parfaitement insipide, dont les protagonistes eux-mêmes semblent s'ennuyer ferme. Alors qu'on espérait un sursaut pour le final de la série, Van Hamme semble avoir définitivement renoncé à faire des efforts pour raconter une histoire un tant soit peu intéressante.
Vance, de son côté, continue d'aligner imperturbablement ses vignettes aux cadrages boiteux, ses gros plans de visages figés et inexpressifs. Il fait montre, une nouvelle fois, de sa conception très personnelle des lois de la perspective (déjà sur la couverture, qui représente XIII en pleine séance de lévitation devant la façade du Capitole). Décidément, il est loin le temps de Bruno Brazil, lorsque le dessinateur se donnait encore la peine de composer des planches énergiques pleines d'audaces narratives.

Une fin de série indispensable, donc, pour ceux qui ne supportent pas d'avoir un trou dans leur collection (et, entendons-nous bien, uniquement pour ceux-là). Les plus masochistes d'entre eux peuvent d'ailleurs se préparer pour la suite des événements : Van Hamme prend sa retraite, mais son successeur est déjà désigné. Et il a trouvé, paraît-il, « une idée géniale pour relancer la série ». On en frétille d'impatience.

Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 27/12/2007 )
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