L'actualité du livre
Bande dessinéeet Les grands classiques  

La Dynastie Donald Duck, Intégrale Carl Barks (tome 12) - 1961-1962. Un Sou dans le trou et autres histoires
de Carl Barks
Glénat 2013 /  29.49 €- 193.16  ffr. / 384 pages
ISBN : 978-2-7234-9300-0
FORMAT : 17,5x24,8 cm

Le béret au porte-manteau

Il est fini, le temps des grandes aventures. Désormais, Donald passe le plus clair de son temps à la maison, à regarder la télévision avec ses neveux. Bien sûr, quand un reportage fait la part belle à un explorateur, le canard ne peut pas s'empêcher de montrer à ses neveux ses propres talents de héros. Mais ni Donald, ni Riri, Fifi et Loulou ne parviendront pour autant à se faire reconnaître comme des aventuriers ; on les prendra tout au plus pour des hommes des cavernes dans le reportage de la semaine suivante.

En effet, en 1961, Barks n'a plus l'opportunité de dessiner des épisodes long-format, et il se concentre sur les comédies domestiques qui tiennent en une dizaine de pages. Aussi, les aventuriers se révèlent des escrocs, les menaces s'avèrent n'être que des mouches sur un tambour, et les secrets industriels ne cachent qu'un inventeur dans une boîte. C'est la société du spectacle, l'ère de la consommation de masse, un désenchantement que Barks satirise avec finesse. Il lance des piques contre la circulation automobile, et n'hésite pas à se moquer de la mode, en montrant des extraterrestres effrayés par le costume des Terriennes.

Le duo du moment, c'est Donald et Géo. Le premier incarne toute la banalité, le quotidien à plumes, le renoncement systématique. Le second propose l'espoir d'un imaginaire nouveau, d'une remise en question, d'une surprise permanente. Mais las ! Quoi que crée l'inventeur, il sera toujours rattrapé par une société déjà blasée, insatisfaite, gâtée. Les Donaldvillois préfèrent marcher plutôt qu'un toboggan électrique. You cant't win, nous dit Barks.
Tout aussi logiquement, le grand rival de Picou n'est plus Gripsou, l'exotique Afrikaner prêt à transformer toute sa fortune pour la gloire d'être le plus riche : c'est un petit nouveau, Flairsou, avec un simple chapeau melon et le souci d'un équipement à la pointe.

Dans tous ces récits, il y a comme une pointe de désillusion. Et toujours, la fantaisie de Barks, sa maîtrise des éléments de la narration et du dessin sans bavure. Les thématiques classiques reviennent, avec la régularité habituelle : Halloween, les fourmis, les plans des Rapetous... Et quelques pépites, comme ce Valhalla viking où les canards atterrissent un soir de tempête. Désenchantement oblige, on découvrira une origine très matérielle à ce Valhalla, planète proche de la Terre dont les habitants ont adopté les noms des dieux. Du moins on a senti passer, pendant quelques planches, le souffle de l'épopée.

Le souffle passe aussi, et surtout, dans cette dernière icône à rejoindre le casting des canards : Miss Tick débarque à Donaldville. Avec un look inspiré de Morticia de la Famille Addams, elle rappelle que le fantastique n'a pas disparu, et qu'il a encore des cartes à jouer.
De la même façon, Barks attribue à Donald le discours très critique de ses contemporains envers la science-fiction. Mais Géo invente une machine en puisant son idée dans un magazine pulp. Façon de montrer que l'imagination aura le dernier mot.

Malgré la grisaille du quotidien, Barks gardera jusqu'au bout le goût du dépaysement. Il nous enseigne avec obstination la force du rêve.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 08/11/2013 )
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