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Bande dessinéeet Adaptation  

Tamara Drewe
de Posy Simmonds
Denoël - Graphic 2008 /  23.50 €- 153.93  ffr. / 136 pages
FORMAT : 22,5 x 26 cm

Traduit de l'anglais par Lili Sztajn.

Tamara Drewe a obtenu le Grand Prix 2009 de la Critique Bande Dessinée.


Polyphonie anglaise

Voilà un album imposant : 136 pages épaisses, un format généreux (22,5 x 26 cm) et 900 grammes tout juste, jaquette comprise. Une compilation ? Non. Ou plutôt oui, en quelque sorte, puisque Tamara Drewe est d'abord paru sous forme de strips hebdomadaires dans le Guardian, entre 2005 et 2006. C'est aussi dans les pages du Guardian qu'était paru le précédent roman graphique de Posy Simmonds, Gemma Bovery, librement inspiré du roman de Flaubert (l'album fut édité en France par Denoël en 2000). Cette fois, c'est d'un roman de l'écrivain anglais Thomas Hardy (1840-1928) que l'auteur s'est inspirée, Loin de la foule déchaînée, avec une grande liberté là aussi puisque le récit se passe dans l'Angleterre contemporaine. On y croise un rocker sur le retour, des ados fans de presse people et de soirées défonce, une chroniqueuse au nez refait...

L'oeuvre de Posy Simmonds, dessinatrice anglaise née en 1945, n'est pas vraiment connue en France, mais ce Tamara Drewe pourrait contribuer à la mettre en lumière. Car il s'agit là d'un des albums les plus intéressants parus depuis la rentrée. Sa forme pourra dans un premier temps dérouter : les planches ne sont pas toujours classiquement découpées en cases, bien souvent de longs paragraphes de textes viennent compléter le récit purement graphique. Au début, le procédé peut rebuter et retarder "l'adhésion" à l'histoire, mais une fois ce cap passé, ce n'est plus un problème. L'éditeur aurait tout de même peut-être pu trouver une astuce de mise en page, ou des polices de caractère plus agréables à l'oeil, pour améliorer la lisibilité.

L'intrigue se passe au coeur de la campagne anglaise, à Stonefield, une retraite studieuse pour écrivains. Stonefield est tenu par Beth et Nicholas Hardiman. Lui est écrivain à succès, elle est sa précieuse intendante, secrétaire et femme bien souvent trompée (mais miséricordieuse), ainsi que l'hôte dévouée de Stonefield, avec l'aide d'Andy, le jardinier. Parmi les pensionnaires, Glen Larson, un universitaire américain cynique à la plume sèche, quelque peu lâche. Dans ce petit village anglais, les ados s'ennuient à mourir et traînent sous l'abribus. Casey et Jody n'ont pas 16 ans et rêvent d'autre chose, mais leur seul horizon est celui de la presse people. Le jour où la belle Tamara Drewe revient occuper la maison natale de ses parents, tous les esprits s'affolent. Avec ses jambes aussi longues que ses shorts sont courts, son nez refait, ses lunettes de star, son job de chroniqueuse et ses envies d'écrire un roman, Tamara aura tôt fait de bousculer le fragile équilibre de Stonefield.

Tamara Drewe est un récit mené à la première personne par trois narrateurs, qui sont trois personnages de cette histoire : Beth, Glen et Casey, alternativement. Dans ces trois registres bien différents - l'universitaire acerbe, la femme dévouée qui en a marre de l'être, l'ado vite extasiée - l'écriture de Posy Simmonds est tout aussi jubilatoire. C'est la première qualité de l'album. La deuxième est que l'auteur maîtrise parfaitement son récit et que l'on ne s'ennuie pas une seconde dans ces 136 pages. La troisième est que son graphisme classique apporte une vraie douceur et beaucoup de vie, en quelques traits, à tous ces personnages qui se croisent sous nos yeux. En d'autres termes, tout y est : le scénario, l'écriture, le dessin. Une vraie réussite !

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 26/11/2008 )
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