L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Bonsoir
de B-gnet
aaarg ! 2015 /  17.50 €- 114.63  ffr. / 66 pages
ISBN : 9782370310255
FORMAT : 31,7x23,1 cm

Séances tenantes

B-gnet fait partie de la nouvelle génération des humoristes, ces auteurs qui ont digéré les anciens et développent maintenant un humour d'aujourd'hui. On l'a lu dans Psikopat, dans des recueils chez tous les petits éditeurs du secteur, et il a désormais rejoint l'équipe de la revue Aaarg !, dont les épisodes sont ici rassemblés en recueil.

Dans Bonsoir, B-gnet s'attaque à Hollywood. Il associe satire et parodie, en déclinant les plus grands blockbusters de l'histoire mêlés à des thèmes sociaux pas piqués des hannetons. Les gremlins s'avèrent être de vilains communistes, et le monstre de Frankenstein se voit offrir une éducation dans une classe de CM2. Vraiment, le popcorn n'a pas tout à fait le même goût que d'habitude.
Les récits fonctionnent comme des histoires autonomes, porteuses d'une intrigue accrocheuse. Ce n'est que dans un deuxième temps que la dynamite est mise en place, que des fils trop bien noués court-circuitent la vraisemblance, que les personnages prennent des poses de cabots.

Entre deux récits en couleurs, des strips verticaux en noir et blanc donnent lieu à de petits gags absurdes. Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit bien de comédie. Quand le dessinateur s'attaque à Godzilla, il choisit surtout de présenter le haut-commandement militaire au moment de prendre la décision de construire un robot géant. Car B-gnet n'aime rien tant que l'insignifiance. Il n'y a pas de sublime, pas d'héroïsme. Les personnages ne sont que des enfants terribles inconscients du monde qu'ils détruisent à chaque instant. Si « c'est cool », on peut bien y consacrer « 80% du budget des écoles et de la santé ».

Au fil des pages, on retrouve par moments des évidences prévisibles. Mais plus loin, il y a aussi des trouvailles magnifiques, des calembours ignobles, multiples facettes d'un humour moderne. « La nuit des gens heureux », par exemple, revisite le film de Romero sur le mode du droit à la désespérance. Ironie et contre-ironie se succèdent tandis que les optimistes forcenés, puis les pessimistes systématiques passent à la moulinette. On ne sait plus bien s'il y a une morale cachée derrière les cases où si B-gnet se contente de se foutre du monde.
L'album vaut aussi pour sa façon de communiquer un plaisir graphique. On pense souvent à Goossens, mais B-gnet utilise des plans plus éloignés et un pastel plus doux. Il y a une chaleur dans ces planches qui tranchent avec le cynisme de Georges et Louis. Là où Goossens appuie ses effets en bon expressionniste, B-gnet ne cesse pas de les contre-balancer en appuyant le dérisoire de ses cases. C'est dans les parodies d'affiche qu'il prouve le mieux ses qualités de graphiste et ses talents de dessinateur, s'appuyant fortement sur les couleurs pour rendre compte d'une ambiance.

En refermant le livre, lorsqu'on rallume la télévision, les blockbusters ont l'air de nous cacher quelque chose.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 08/06/2015 )
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