Bande dessinée
Humour de Pixel Vengeur et Fabcaro
Fluide Glacial 2016 / 10.95 €- 71.72 ffr. / 48 pages
ISBN : 9782352076773
FORMAT : 29,3x22,5 cm
D'après les personnages de Gotlib
Chacun y met du chien
Il y a des séries dont la reprise semble aller de soi, tant le cadre de départ est fort et incarné dans un classicisme : c'est Blake et Mortimer, Spirou ou Superdupont, ce pourrait être Gil Jourdan ou Les Frustrés. Gai-Luron ne rentre pas dans cette catégorie : s'il a déjà derrière lui une longue histoire de personnage avec plusieurs albums de référence, il n'en est pas moins aussi lié aux efforts de Gotlib pour l'extraire de son univers. La disparition progressive des personnages secondaires, et surtout le dernier titre, La Bataille Navale ou Gai-Luron en slip, qui le confrontait à des thématiques plus adultes, ont achevé de détruire toute image durable de la série.
En somme, Gai-Luron est creux ; il n'y a pas chez lui une identité claire. On peut se souvenir des courriers géniaux de Jean-Pierre Liégeois, ou de ses formidables parodies des héros du journal Vaillant, mais il est difficile de le définir autrement que par un rapprochement un peu bref avec Droopy.
Pourtant, Gai-Luron avait déjà connu un autre dessinateur, en la personne de Henri Dufranne. Mais c'était avant les grandes remises en cause de Gotlib, et force est d'avouer que ces récits-là ne sont pas restés dans les annales.
D'emblée, la démarche de Pixel Vengeur et Fabcaro semble donc relever de la gageure. Heureusement, l'un et l'autre ont une certaine expérience en la matière, le premier par ses nombreux pastiches de styles variés, le second par sa reprise d'Achille Talon, aux difficultés comparables. C'est sans doute ce qui leur permet de réussir leur pari.
Fabcaro, surtout, fait flèche de tout bois. Il exploite à la fois les formats courts dont il a l'habitude et, plus rarement, les lentes explosions brisées en plein vol que pratiquait Gotlib à l'âge d'or de la série. Il pioche aussi dans le répertoire contemporain, parodie Hollywood et les vedettes de Fluide Flacial, propose à Pixel Vengeur des romans-photos ou des collages. Dans ce grand bazar, chacun trouvera son compte. La série d'origine réapparaît particulièrement dans la mauvaise foi naïve du héros mentant de façon éhontée pour reconquérir sa belle. C'est toujours sympathique, par moments déjà-vu, d'autres fois très drôle. Gai-Luron dragueur au restaurant, ou posant devant son miroir, méritent le détour.
Pixel Vengeur, en revanche, peine à trouver sa place. Le mélange entre les personnages de Gotlib et ses décors plus personnels déroutent un peu, mais c'est surtout sa difficulté à tenir Gai-Luron sur la durée qui déçoit.
Dans l'avenir, on aimerait, sans doute, que les deux auteurs prennent plus leurs distances avec l'original. Si Gai-Luron possède un potentiel comique, c'est en l'entraînant dans des situations plus cocasses que son univers d'origine, et où il dénote, justement. À cet égard, le jeu de Fabcaro sur les rêves de Gai-Luron est du meilleur effet, drôle et bien senti. Une piste pour se débarrasser de l'héritage de Goltib et ne plus (trop) traîner dans l'ombre du maître.
Clément Lemoine
( Mis en ligne le 26/09/2016 )
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