L'actualité du livre
Bande dessinéeet Jeunesse  

Le Vent dans les Sables (tome 4) - Le Chant des dunes
de Michel Plessix
Delcourt - jeunesse 2011 /  11.50 €- 75.33  ffr. / 32 pages
ISBN : 978-2-7560-1989-5
FORMAT : 25x29,8 cm

Au clair de la dune

On dit souvent qu’en Afrique, le temps n’est plus le même. Que les voyageurs européens découvrent une autre horloge, plus lente, plus naturelle. C’est exactement l’aventure qui arrive à Taupe, Rat et Crapaud.
Voilà quatre albums que nos compères se promènent au gré de l’eau et du sable, en découvrant les cultures du Maghreb. Dans le cycle originel, celui du Vent dans les Saules, c’était le moment du point d’arrêt de leurs aventures après moult trépidations. Cette fois-ci, il faudra encore un volume pour boucler la boucle. Michel Plessix prend son temps.

Rarement bande dessinée populaire se sera offert pareil cadeau : suivre les envies du narrateur plus que les contraintes du suspense. Certes, l’aventure est là, et le dessinateur nous la livre avec un professionnalisme sans faille ; en effet, nos amis cherchent un mystérieux trésor caché au fond du désert, qui pourrait leur permettre de retrouver enfin leur mère patrie. Ils vont donc affronter la soif, les tempêtes de sable et les instincts des serpents, tout en maintenant l’équilibre de leur petit groupe, malgré l’égocentrisme de l’un et les secrets d’un autre. Mais ce n’est pas vraiment ça qui compte. Les vraies découvertes sont d’ordre esthétique, voire philosophique.
Les touareg, ou le marchand de sable, nous donnent au détour d’une case des leçons de vie, ou des interrogations métaphysiques : quel est le sens caché du destin, et que faut-il faire ? Peut-être « vivre, c’est tout. Et ne jamais perdre de vue ses rêves. »
Souvent la planche s’achève sur une exclamation de surprise poussée par un des personnages. Mais une fois la page tournée, le contre-champ nous propose, plus qu’un bouleversement narratif, un paysage superbe ou une rencontre amicale. Le suspense se transforme en carpe diem.

Le désert semble paisible, et pourtant plein de vie. Plessix dessine les décors avec sa précision habituelle, dans un amusement serein, sans mettre particulièrement ses personnages en avant. Il s’agit bien d’apprendre à vivre en paix avec le monde, et pas contre lui. Réserver une double page à une large vue des dunes marocaines ou détailler une oasis avec profusion.
Cette opulence graphique s’accompagne d’un lexique choisi, que les récitatifs déploient avec éloquence. Plessix fait plus souvent référence aux œuvres de littérature qu’à ses cousins dessinateurs, même si le cadre évoque bien sûr Delacroix et les peintres romantiques. C’est Alice au pays des Merveilles, Pinocchio ou L’île au trésor, mêlés aux grands penseurs d’orient et d’occident : Al Masû'dî, Dante et Lao-Tseu réunis.

Le jeu des couvertures de ce cycle fait s’alterner les invitations au voyage et les portes d’entrée : deux bons résumés des sentiments qui naissent de la lecture des albums. Ouverture vers l’ailleurs, envie de découvrir l’autre : tout cela avec simplicité et entrain.
Le plus remarquable est la grande douceur avec laquelle Plessix brasse tout cela. Son orientation dans la bande dessinée jeunesse nous convainc sans peine que la réalité coule de source, que les scorpions discutent avec leurs victimes et que les fennecs sont les gardiens de la littérature mondiale. Un livre à offrir à tous les soldats au moment de la déclaration de guerre.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 07/02/2011 )
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