L'actualité du livre
Bande dessinéeet Jeunesse  

Le Vent dans les sables (tome 2) - Étranges étrangers
de Michel Plessix
Delcourt - jeunesse 2007 /  11.50 €- 75.33  ffr. / 30 pages
ISBN : 978-2-7560-0564-5
FORMAT : 25x30 cm

Rat débarque du navire

Il prenait tellement de plaisir à nous raconter les aventures de ses bestioles que Plessix a décidé d’imaginer la suite du Vent dans les Saules, le classique de la littérature anglaise de Kenneth Grahame qu’il adaptait chez Delcourt. Et les lecteurs prenaient tellement de plaisir à le suivre qu’ils ont continué. Voilà donc maintenant Rat, Taupe et Crapaud en Afrique, dans le deuxième tome de cette nouvelle série. La ville où ils s’installent ressemble à Essaouira ; là ils sont partagés entre la découverte d’un autre monde et l’envie, difficile à satisfaire, de rentrer chez eux.

Le décor change, et l’univers aussi. Après le portrait doux et contemplatif de la campagne britannique, nous voilà embarqués dans un voyage à rebondissements, riche en parfums, en rencontres et en dangers. Ce n’est plus tant le quotidien hédoniste qu’il s’agit de découvrir, mais plutôt l’étranger qu’il devient urgent de comprendre. Et la morale, bien sûr, se charge de nous rappeler qu’on est toujours l’étranger de quelqu’un. Quand Crapaud découvre les exigences des toilettes orientales, le voilà aussi décontenancé que le jeune rat maghrébin en découvrant les siennes.

Derrière cette tendance didactique qui rappelle que la série a fait les beaux jours de la collection Jeunesse de Delcourt, Michel Plessix en profite surtout pour mettre en scène la magie de l’Orient. Terrasses et médina, peaux de moutons et brochettes, muezzins et conteurs. Les légendes, bien évidemment, tiennent une place de choix. Plessix n’a jamais cessé de faire la part belle à l’imaginaire, en consacrant les fantômes de l’ombre dans Le Vent dans les saules, ou en glorifiant les rêves dans ces nouveaux épisodes. L’album s’ouvre sur une mise en abyme répétée qui projette Rat dans un maelstrom de rêves, et se ferme sur la place des conteurs. Deux pages sont même consacrées à un exercice de style, une légende traditionnelle traitée à l’orientale. Ainsi Plessix s’amuse, et le lecteur avec lui.

La réalité se perd aussi dans un rapport ambigu entre hommes et animaux. Parfois l’identité animalière semble disparaître complètement, les rats, les souris et les lapins discutant à égalité avec les hommes responsables. Parfois les animaux se vont renvoyer du consulat comme une simple vermine. Les proportions des uns et des autres ne correspondent plus tout à fait aux normes en vigueur, comme si le monde animalier formait une communauté distincte mais pas tout à fait à part ; un joli portrait de l’enfance, en somme.

Mais c’est surtout pour ses images que les pages valent le détour. Ce volume inaugure un nouveau format, plus carré, dans lequel les planches peuvent être imprimées plus grandes. Un luxe dont le dessinateur profite en multipliant les détails, construisant plus que jamais des intrigues gaguesques en contrepoint chez les mouches, faisant fourmiller les vignettes. Il y a de quoi se perdre dans ces détails éparpillés, aux couleurs chatoyantes, aux visages multiples. Plessix conserve le trait rondouillard et synthétique de l’illustration enfantine sans jamais dépouiller ses cases, qui forment autant de tableaux. On comprend que le dessinateur mette deux ans à livrer ses 30 planches… et on attend la suite.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 08/05/2007 )
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