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Histoire & Sciences socialeset Antiquité & préhistoire  

Les Successeurs d'Alexandre en Asie centrale et leur héritage culturel
de François Widemann
Riveneuve Editions 2009 /  28 €- 183.4  ffr. / 527 pages
ISBN : 978-2-914214-71-1
FORMAT : 16cmx24cm

L’auteur du compte rendu : Yannick Durbec, professeur agrégé de Lettres Classiques, Docteur ès Lettres, enseigne en Classes Préparatoires aux Grandes Écoles.

Alexandre, etc.

Ce fort volume de 527 pages, modestement qualifié d’essai, est une somme, la somme de connaissances sur la Bactriane et les royaumes indo-grecs, dont la création fut consécutive à l’expédition d’Alexandre le Grand.

François Widemann (F. W. ci-après) présente en un premier chapitre l’implantation grecque dans l’empire perse et les fondations d’Alexandre en Asie centrale et en Inde, de la période achéménide à la mort d’Alexandre. La présence grecque en Asie centrale et en Inde s’ouvre à la période achéménide. Des marchands, mais aussi des Grecs d’Asie mineure au service du grand Roi sont en effet présents dans ces régions. Hérodote rapporte d’autre part que les habitants de cités ioniennes révoltées contre le Grand Roi, vers 500, furent déportés en Asie. Alexandre, après avoir conquis l’empire perse, fonda plusieurs villes dans les régions orientales. Leur nombre et leur localisation ne font pas l’unanimité parmi les historiens. Afin d’éviter que la conquête ne fût trop éphémère, Alexandre opéra la séparation des pouvoirs civils et militaires au sein des satrapies : le satrape perse est souvent maintenu, alors que le pouvoir militaire est confié à un officier macédonien. La mort d’Alexandre en 323 affaiblit la présence grecque en Orient.

F. W. analyse dans un second chapitre la difficile succession du macédonien et les conséquences de la main-mise opérée par Séleucos sur les satrapies orientales. Le pouvoir séleucide ne tint pas plus d’une cinquantaine d’années face à l’empire Maurya. La Bactriane devenue indépendante voit se succéder à sa tête Diodote I et II, puis Euthydème, dont le règne fut prospère. Le récit de l’expédition d’Antiochos III, qui partit à la reconquête de la Bactriane et de la Parthyène, s’allia à Euthydème et conduisit une expédition en Inde, fait l’objet du chapitre III. Démétrios, le fils d’Euthydème exploita l’avantage militaire acquis par l’expédition d’Antiochos au détriment d’un empire Maurya déliquescent. Il conquit l’Inde du nord-ouest jusqu’à la mer. Il laissa à sa mort un jeune fils, Euthydème II, qui régna peu de temps, avant que son tuteur Pantaléon ne devienne roi à son tour.

Le court règne d’Euthymème donna lieu à l’émission d'une monnaie en cupro-nickel, ce qui est exceptionnel dans l’Antiquité. F. W. conduit une analyse extrêmement détaillée de ce dossier auquel est consacré l’essentiel des chapitres IV et V. Le monnayage du successeur de Pantaléon, Agathocle, indique une dévotion marquée à l’hindouisme. La capitale fut probablement alors déplacée de Bactres à Taxila. Ses successeurs feront disparaître sur les monnaies toute référence à des dieux autres que grecs. Une guerre civile semble en effet avoir mis fin à son règne et F. W. étudie dans le chapitre VI le retour à l’hellénisme sous Antimaque I, Apollodote I et Antimaque II. Antimaque I semble avoir coopté Apollodote, instituant une dyarchie, et associa étroitement ses fils au pouvoir. De fait, trois familles s’entendirent vraisemblablement pour se partager le pouvoir et régler la question des successions : celle d’Euthydème I, celle d’Antimaque I et celle d’Apollodote I.

Le chapitre VII est consacré à Démétrios II qui ne régna effectivement que sur la Bactriane. Sous son règne, la politique d’expansion est reprise, en Sogdiane sous la conduite d’Eucratide, et en Inde avec Ménandre, dont les exploits guerriers sont cités dans la littérature indienne, fait rare. Ménandre devint vice-roi de Démétrios II à Taxila et connut un règne fort long. La révolte d’Eucratide aboutit toutefois à une division durable de l’empire bactrio-indien des Grecs. Après avoir éliminé Démétrios en Bactriane, Eucratide se tourna vers l’Inde. F. W. consacre le chapitre VIII aux guerres que conduisit ce dernier, après la conquête de la Sogdiane. La mort de Ménandre en campagne ouvre une crise de succession évoquée dans le chapitre IX. Les chapitres X à XVII analysent les processus d’émiettements de ces royaumes, qui de règnes éphémères en invasions en vinrent à ne plus subsister qu’à l’état résiduel. F. W. présente ensuite la fin des rois indo-grecs et l’héritage culturel des Grecs en Asie centrale et dans le sous-continent indien, chapitres XVIII et XIX.

Cet ouvrage remarquable restitue à partir de l’ensemble de la documentation disponible un pan important et trop méconnu de l’histoire de l’hellénisme en terres orientales.

Yannick Durbec
( Mis en ligne le 10/11/2009 )
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