L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Moderne  

Les Fastes de la renommée - XVIe et XVIIe siècles
de Françoise Siguret
CNRS éditions 2004 /  39 €- 255.45  ffr. / 306 pages
ISBN : 2-271-06191-1
FORMAT : 17x24 cm

L'auteur du compte rendu : Françoise Hildesheimer, conservateur en chef aux Archives nationales, est professeur associé à l'université de Paris I. Elle a notamment écrit Fléaux et société. De la Grande Peste au choléra . XIVe-XIXe siècles (Hachette, 1999) et vient de publier un Richelieu chez Flammarion.

La première modernité à travers les fêtes

Une «course que de surprenants navires ont conduite à travers l’Europe, de naumachies en carrousels», en un âge baroque qui donna à une Renommée héritée d’Ovide et de Virgile une place centrale dans ses représentations, tel est l’objet de cette contribution spécialisée en forme d’essai (fort bien illustré) sur l’histoire culturelle et artistique de la première modernité visitée à travers son art des fêtes et spectacles.

La Renommée y vit dans un palais ouvert à tous vents que le bronze rend sonore et qui prend parfois la forme d’une tour, se revêt d’une robe parsemée d’yeux et d’oreilles, embouche sa double trompette en forme de serpent qui sonne le bien comme le mal, se perche sur la boule du monde, prend son envol dans les airs de la scène de théâtre, conduit joutes et carrousels ou défile dans les rues des villes sur un char qui prend volontiers la forme d’un navire et tend de plus en plus à proclamer le triomphe du roi de gloire. Son adaptation à la glorification de l’État royal est à la mesure de sa plasticité, laquelle fait tout aussi bien écho à l’épisode transitoire du ministériat, puisque, dans le fastueux château que Richelieu se fait construire, elle trouve sa place à l’entrée pour accueillir les visiteurs, et use de ses deux trompettes pour célébrer conjointement la gloire du roi et celle du ministre… Mais, bien sûr, après les Médicis, c’est Louis XIV qui en fera le plus bel usage, l’instrumentalisant jusqu’à la réduire au rang de simple utilité !

Ajoutons que la rapidité de ses déplacements aériens pourrait bien constituer un bel atout en un temps marqué par la lenteur des communications, où être correctement informé, même quand on était à la tête de l’État, n’allait pas de soi, et où le souverain demeurait tributaires de rapports de subordonnés, transmis avec une lenteur qui multipliait les occasions d’incertitudes et d’imprécisions, où, aussi, la rumeur et les fausses nouvelles avaient souvent le pas sur l’information utile. Bref, la Renommée pourrait jouir d’une rapidité qui rendrait son contrôle encore plus nécessaire.

Avec une virtuosité, qui sollicite autant qu’elle l’accroît la culture de son lecteur, Françoise Siguret embarque donc celui-ci sur le char de la Renommée et, allant de fête en fête, lui fait sillonner le ciel de cette première modernité baroque dont elle lui donne à relire et à voir le foisonnant et rhétorique corpus festif (près de quatre vingt fêtes ou spectacles cités) avec ce conducteur ailé et sonore qui, par les représentations artistiques et la propagande, finit par se dissoudre dans l'histoire politique du Grand Siècle à laquelle elle apporte, au total, une très originale contribution.

Françoise Hildesheimer
( Mis en ligne le 09/11/2004 )
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