L'actualité du livre
Histoire & Sciences socialeset Période Contemporaine  

Le Sacre de Napoléon. 2 décembre 1804
de José Cabanis
Gallimard - Les journées qui ont fait la France 2007 /  22.50 €- 147.38  ffr. / 284 pages
ISBN : 978-2-07-078620-6
FORMAT : 15,0cm x 22,0cm

L'auteur du compte rendu : Archiviste-paléographe, docteur de l'université de Paris I-Sorbonne, conservateur en chef du patrimoine, Thierry Sarmant est adjoint au directeur du département des monnaies, médailles et antiques de la Bibliothèque nationale de France. Il a publié : Les Demeures du Soleil : Louis XIV, Louvois et la surintendance des Bâtiments du roi (Champ Vallon, 2003).

Sacre et massacres

En rééditant ce livre paru en 1970, les éditions Gallimard ont rendu service à la littérature davantage qu’à l’histoire. Sans doute le regretté José Cabanis avait-il respecté les termes du contrat qu’imposait la célèbre collection où ce Sacre devait prendre place : la documentation est d’une grande richesse, le récit de la journée du 2 décembre 1804 est replacé dans le contexte de la France révolutionnaire et impériale, un important dossier de pièces, une chronologie et une bibliographie viennent clore le volume.

Pour autant, l’auteur est passé à côté de son sujet. A ses yeux, le sacre n’est qu’une mystification, une impériale bouffonnerie, qu’il décrit comme le caricaturiste Gillray l’a dépeinte dans la presse britannique du temps. La procession des dignitaires du régime napoléonien est prétexte à une série de portraits, souvent fort réussis, qui tourne au jeu de massacre. Ce ne sont que girouettes, qu’anciens conventionnels gorgés d’or et de titres, que voltairiens rhabillés des oripeaux de la religion catholique, que Napoléonides ridicules et avides. Il faut avouer que beaucoup d’entre eux s’y prêtent. Cambacérès, Talleyrand, Fouché ou le cardinal Fesch sont des cibles tentantes. Napoléon a son tour, et José Cabanis se plaît à souligner son cynisme. Rien de tout cela n’est faux, mais de quelle époque ne pourrait-on faire un tableau semblable ?

Il y aurait sans doute mieux à faire. Là où José Cabanis et bien d’autres historiens du XXe siècle ont vu un tyran, la France et l’Europe des années 1800 voyaient d’abord le «Robespierre à cheval», le sauveur des conquêtes politiques et sociales de la décennie précédente. Dans l’esprit de Napoléon, le sacre n’était pas une mascarade, mais l’expression d’une intention politique originale, qui visait à fonder une nouvelle dynastie, à instituer une nouvelle légitimité. On est là au cœur de la complexité et des contradictions de l’idéologie napoléonienne, oscillant entre raison et magie, entre héritage de la Révolution et tentation d’un «néo-absolutisme».

Les éditeurs ont senti ce qu’il y avait de daté dans le parti pris de José Cabanis et une excellente postface de Fabrice Gueniffey rétablit l’équilibre. Il n’en reste pas moins que le sacre de Napoléon mériterait un nouveau regard, à la lumière des recherches récentes qui ont renouvelé l’histoire politique et l’histoire des représentations.

Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 25/01/2008 )
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