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La Loi du plus fort - Mise au pas des Etats voyous
de Noam Chomsky , Ramsey Clark et Edward W. Said
Serpent à plumes 2002 /  11 €- 72.05  ffr. / 160 pages
ISBN : 2842613473

« La culture du terrorisme »

Nul n’est censé ignorer aujourd’hui le nom de Noam Chomsky, connu aussi bien pour ses travaux de linguiste – il est notamment l’inventeur de la grammaire transformationnelle – que pour son engagement contre la politique extérieure américaine, notamment à partir de la guerre du Vietnam. Chomsky est l’un de ces rares intellectuels dissidents à s’être préservé de l’embrigadement idéologique et à avoir lutté farouchement pour l’exigence d’objectivité. Sa défense inconditionnelle de la liberté de l’intellectuel vis-à-vis du pouvoir a même pu l’amener à commettre un faux pas, quand dans les années 1970 il s’est vu bien malgré lui (il n’avait pas lu, précisons-le, le texte du négationniste) l’otage de l’affaire Faurisson (on lira à ce sujet Deux heures de lucidité, récent entretien du savant publié aux Arènes).

Parallèlement à une série d’entretiens accordés peu après le 11 septembre (11/9 Autopsie des terrorismes), Le Serpent à Plumes publie, dans cette Loi du plus fort, un texte de Chomsky daté de 1998 et intitulé Les Etats voyous. Emboîtant le pas au critique Edward W. Said, Chomsky fait pièce à la vision manichéenne qui a cours dans l’administration américaine et selon laquelle les Etats « civilisés » (en tête desquels figureraient les Etats-Unis et l’Angleterre) auraient à charge de protéger le monde contre des « Etats voyous ». De quoi s’agit-il ? L’auteur explique qu’après la guerre froide et la chute de l’URSS, les enjeux économiques ont pris insensiblement le pas sur l’enjeu idéologique, quand bien même l’Amérique, par l’expression d’Etats voyous, s’efforcerait de déguiser l’égoïsme foncier qui meut sa politique.

Une rhétorique dont Chomsky dit tout le caractère opportuniste, rappelant au passage son caractère fluctuant - l’Irak remplaçant ainsi, au seuil des années 90, l’Iran et la Libye dans la liste incriminée. « Aux Etats-Unis, le mépris de la loi est profondément ancré dans la pratique et la culture intellectuelle. » Chomsky nous dresse le tableau accablant d’une politique extérieure américaine qui, plaidant au besoin la légitime défense, agit toujours « unilatéralement », jamais « multilatéralement ». Soutien systématique des dictateurs (Suharto en Indonésie, Saddam Hussein contre l'Iran, etc.) ; non-respect des décisions du Conseil de sécurité de L’ONU et notamment du très controversé article 51 (qui pose le principe de légitime défense de ses pays memebres); choix systématique de l’intervention militaire pour régler des crises ; procès truqués ; propagande visant à interdire aux citoyens ne serait-ce qu’une compréhension minimale de la réalité géopolitique : cette liste nous conduit rien moins qu’à l'effrayante notion de « culture du terrorisme » dont Chomsky faisait naguère le titre d’un de ses livres.


Thomas Regnier
( Mis en ligne le 11/03/2002 )
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