L'actualité du livre
  

Le Joker, Alain Juppé
de Céline Edwards-Vuillet
Seuil 2001 /  18.32 €- 120  ffr. / 250 pages
ISBN : 2.02.051352.8

En route vers les présidentielles

Il y a une énigme Alain Juppé. Ses facultés intellectuelles semblent inversement proportionnelles à son sens des rapports humains. Ses amis comme ses ennemis lui prêtent d’impressionnantes aptitudes, mais aussi une persistance incapacité à la sérénité et au naturel. Animal politique à sang froid, ses principaux traits de caractères sont l’impatience et le goût de l’action, ce qui lui vaut d’être considéré par beaucoup, sans doute abusivement, comme un psychorigide inapte au dialogue.

C’est un homme brillant mais désespérément rigide que décrit Céline Edwards-Vuillet. Son ambition est précoce et sa carrière fulgurante. Après une jeunesse studieuse (agrégé en lettres classiques à vingt et un ans) marquée par un mariage précoce, il connaîtra une ascension rapide dans le sillage de Jacques Chirac à Paris. Devenu incontournable au RPR, il exercera ses premières responsabilités gouvernementales comme ministre du Budget entre 1986 et 1988. Son meilleur souvenir restera son passage au quai d’Orsay entre 1993 et 1995. Mais cette heureuse période sera suivie par son expérience traumatisante à Matignon, dans la foulée de l’élection de Jacques Chirac en 1995. Ce sera alors l’échec d’un fort en thème ayant fait l’impasse sur les relations humaines. Après quatre années passées au purgatoire, où il s’est consacré à la gestion de sa ville de Bordeaux et à l’écriture d’un essai sur Montesquieu, il compte bien revenir au cœur du pouvoir. Céline Edwards-Vuillet n’en doute pas : Alain Juppé veut mettre en pratique un projet politique qu’il a eu tout le loisir de mûrir. Porté par la dynamique bordelaise, celui que ses camarades de promotion à l’ENA appelaient « Amstrad » a déjà programmé dans son système d’exploitation les élections présidentielles de 2007.

L’actuel maire de Bordeaux a dû accueillir avec bienveillance cette biographie, certes « non autorisée » mais néanmoins complaisante à bien des égards. Juppé y est constamment posé en victime : victime de son impatience, victime du conservatisme atavique des Français, victime de l’acharnement impitoyable des juges (occultation éhontée du système RPR à Paris). Le « joker » n’est sans doute ni le premier ni le dernier des livres opportunistes à paraître au cours de la période préélectorale. Mais on est rapidement assommé par l’indulgence systématique de l’auteur. Le caractère éminemment bienveillant du propos laisse à croire que l’ouvrage n’est qu’un élément d’un plan de marketing politique, une sorte de publi-information qui ne dit pas son nom. Même lorsque des ennemis politiques de Juppé s’expriment, c’est dans la plupart des cas pour louer son pragmatisme et son absence de préjugés. Il est difficile de reprocher à un biographe de porter de l’intérêt à son sujet. Mais pourquoi ne pas assumer clairement le caractère hagiographique de cet ouvrage ?


Olivier Cleuet
( Mis en ligne le 12/11/2001 )
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