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Comme une exaltation
Sarah Vajda   Le Terminal des anges
Le Mort qui trompe 2008 /  16 € - 104.8 ffr. / 204 pages
ISBN : 978-2916502083
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Il y a certes, et des plus mélodramatiques, une intrigue : la découverte, la révélation, voire l’exhumation, sous les espèces d’une vague enquête policière, et un quart de siècle après, des amours (de la romance) de Magda, future Frau Goebbels et figure du Troisième Reich, et du juif Haïm… Il y a aussi, et pas des moindres, lieu d’extrême-occident et d’agrégation de tous les kitsch, un décor : la plage de Venice, district de Los Angeles. On le voit, grand est sans doute l’écart entre, si l’on peut dire, l’unité de temps et l’unité de lieu. Or c’est dans cet espace semble-t-il irréductible, dans cet antagonisme séminal, que se déploie le nouveau roman de Sarah Vajda.

C’est d’abord une décadence, ni fin-de-siècle ni symboliste, sans dandy ni artifices mais, comme l’eût dit Paul Bourget, en tant que principe de déséquilibre, où le récit laissera la place à la page ; où la page laissera la place à la phrase : pages chaque fois intenses qui, de fouiller, d’instruire les personnages, les situations, les psychologies, les ambiances, fonctionnent comme autant d’indépendantes cellules diégétiques sans pour autant nuire à l'action ; phrases d’un style baroque, rompu, ultra-expressif, qui mêle modernité, percutante et concise, tours et rhétorique classiques (qui ne sont pas sans rappeler le Grand Siècle, Saint-Simon, Guez de Balzac), et, épices aussi savoureuses que désinvoltes, termes étrangers, ici anglais.

C’est un lyrisme qui, moins que de s’échapper vers des altitudes désincarnées, cherche à émouvoir, trouve l’émotion, la vraie, l’évidente, celle qui touche nos âmes sentimentales, celle des transports amoureux, celle, romanesque et tuante dans sa banale fatalité, d’amants qui se séparent sur le quai d’une gare. Cependant, il ne s’agit pas de se méprendre, une telle distillation d’eau de rose cèle, sous une surface d’apparence étale, des tourments, une mélancolie définitive au profond de laquelle, peut-être, se contorsionne certain tædium vitae : «Du clan de ceux qui, de la vie n'attendant rien, savent n'en rien obtenir.»

C’est également une manière de recherche d’un temps perdu – temps certes défunt d’amours défuntes qui toutefois pourrait n’être jamais que la dissimulation et, finalement, la révélation, d’une histoire oubliée, d’une Histoire majuscule et secrète où coïncideraient des contraires, où se dessinerait un genre d’axe entre Israël et Allemagne. Le Terminal des anges (interrogeons et ressassons ce titre) serait-il grand œuvre métahistorique ? Pourquoi non ? Convoquons encore cette intrigante plage de Venice, sise au bord du monde : les confins géographiques s’entendent souvent comme fin de l’Histoire.

Et tout cela est porté à incandescence dans le chapitre 15, «La mort de Magda», qu’on lira et relira : inoubliable clef de voûte de l’ensemble, un affolement de beauté(s), une convulsion moite et verglacée, éclaboussée d’une mièvrerie puante de douleur, d’où s’exhalent des relents d’éternité : «Je veux croire, je crois que Haïm du tréfonds de la mort vint chercher son amie. Fermé ou dégrafé la robe bleue élue pour être celle du suaire et l’a accompagnée et qu’ils se sont, en Purgatoire ou au jardin dernier, aimés comme ils en furent par mille bagatelles, empêché sur la terre.»

Sarah Vajda, femme acérée et d’un pas pressé, complètement érudite, balançant entre classicisme et quelque chose de rock, signe là, acidulé et tragique, un roman beau comme une exaltation, abyssal comme une méditation, irrémédiable comme une passion.


Arnaud Bordes
( Mis en ligne le 25/02/2009 )
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