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Scènes de la vie provinciale | | | Samuel Corto Parquet flottant Denoël 2009 / 16 € - 104.8 ffr. / 192 pages ISBN : 978-2207261309 FORMAT : 14,0cm x 20,5cm Imprimer
La province, ses notables, ses moeurs et ses coutumes, sa torpeur dominicale
Les Scènes de la vie de province de Balzac ont rendu justice à cette existence dont les allures mornes dissimulent secrets, mystères, drames et cocasseries. La figure est de style, presque un cliché, mais un cliché réjouissant, et quiconque a vécu une vie dans une petite capitale provinciale sait à quoi sen tenir sur la «bonne société» locale, et ses petits scandales salaces. Donc un roman.
Imaginez maintenant, dans une ville du Nord-Est (Lorraine, Alsace ?) larrivée dun jeune magistrat un rien frondeur, ancien avocat passé de lautre côté du manche comme substitut du procureur. Cette transgression, étonnante, est loccasion dun regard cynique jeté sur une réalité crue : une justice à quinze vitesses, le copinage entre magistrats aux dépens des accusés, la logique du rendement initiée place Bauveau, la médiocrité des potentats locaux, qui ne trouve un écho que dans la bassesse de leurs sbires. Le romancier, substitut du procureur nouvellement promu, alterne les figures imposées : la plaidoirie humaniste, désabusée ou délirante, la drague version happening, avec la freak locale, la description du Parquet et de son fonctionnement, ainsi que de ses ridicules (grande quinzaine du costard taillé sur mesure). Deus ex machina, lauteur tranche, dune plume leste, dans la chair froide de cette notabilité provinciale. Il y a du spectacle, mais à lissue de la séance, le lecteur reste sur sa faim !
Le style est poli, propre sur lui, lissé jusque dans les affaires un peu sexe : une plume gentiment tenue par un premier de la classe qui sessaie au caustique. Cest amusant, mais loin dêtre inoubliable et passé quelques pages, lalternance de considérations sur les collègues (forcément ridicules) et sur la justice finissent par lasser. Et lexposé quasi conclusif sur le fonctionnement du Parquet et ses évolutions semble même un peu incongru, comme une bonne dissertation plaquée, genre copié collé, dans louvrage.
À vrai dire, Samuel Corto a un certain talent, qui reste à mûrir : il y a de lidée, un sens du dérisoire et de lanecdote et de jolies trouvailles, mais lensemble est lébauche dun grand roman sur la magistrature
Une entrée en matière ?
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 24/08/2009 ) Imprimer | | |