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Le bréviaire d'un juste
Aïssa Lacheb-Boukachache   Plaidoyer pour les justes
Au Diable Vauvert 2001 /  12.98 € - 85.02 ffr. / 251 pages
ISBN : 2-84626-015-X
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Aïssa Lacheb-Boukachache est enfermé entre quatre murs, assez de temps pour que les chiffres en deviennent abstraits (quinze ans, dont dix de peine de sûreté, incompressible). Son crime (un braquage) est balayé par la question sourde : Ma vie ne vaut-elle donc pas plus que les 63 000 francs volés ce samedi 11 juin 1988 dans une agence picarde du Crédit Agricole ? Jour maudit…

Une autre angoisse le tenaille : le livre sortira-t-il, sera-t-il lu ? Son cri entendu ? Dira-t-il vraiment toute sa hargne ? "Mon cœur saigne toute ma rage…", écrit Victor Hugo dans Le Dernier jour d’un condamné, poursuivant :

"Adieu l’espoir, adieu les roses,
Adieu la nature et le vent ;
Tout cela n’est plus à moi
".

Mais cela, Aïssa Lacheb-Boukachache ne le peut pas. Le supporter. L’admettre. Jamais. Car l’accepter, c’est glisser vers le suicide. Alors il s’élève contre. Les juges. L’hypocrisie des avocats. Les matons. La France, qui n’est jamais à la hauteur de ses principes. Le secret de l’instruction, pratique discrétionnaire. La bêtise des jurés. Les mensonges de l’avocat général.

Un autre condamné, Genet, s’échappait de sa cellule à l’aide du sexe. Son recueil de poèmes Le condamné à mort raconte-t-il autre chose ? La prison est une histoire de trou… Par lui la douleur gagne le corps, l’esprit ; par lui se propage la folie ; par lui aussi on s’échappe de l’instant présent. Le sexe est la clef de la taule. Car il montre la répression des instincts essentiels de l’homme. Qui ne s’en sort qu’en les sublimant. La douleur devient le combat ; pour ne pas devenir fou, écrire s’impose. C’est la voie choisie par Aïssa Lacheb-Boukachache.

Son style est impressionnant, à l’image de ce monologue adressé à son compagnon de cellule :

"(…) Tous sont des chimères, tous ceux qui ont du pognon, tous ceux qui bouffent tous les jours, tous ceux qui baisent tous les jours dans de beaux draps roses et blancs, tous ceux qui vivent sans inquiétude, tous ceux qui ne connaissent pas la souffrance, la vraie, tous ceux qui ne gueulent pas la nuit quand ils dorment, tous ceux qui ne savent pas ce qu’est un trou, un grand, un large, un trou profond et humide dans le cerveau dont on ne voit même pas le fond tant il est loin. (…). Oui, tous ceux là, tous des chimères, toi le premier, Élie. Ta souffrance, Élie, ta petite merde de souffrance, je chie dessus mon frère, je chie dessus à pleines pêtées et je me torche avec cette flotte tiède qui coule de tes yeux et je fous le tout dans les chiottes comme la bouffe le midi et le soir qu’on nous donne par pitié, par respect des Droits de l’homme comme ils disent (…) (j’étais seul, Élie était parti. Le maton l’avait appelé pour une notification au bureau du greffe. Je parlais seul depuis trois minutes, et j’avais renversé mon café par terre)".

Aïssa Lacheb-Boukachache manie l’ironie et l’humour avec finesse, mais aussi les envolées "incontrôlées", les cris de rage comme les prières, les insultes et les effusions d’amitié, d’amour. Il y a du Cohen (celui de Solal) là-dedans. Ce chant du condamné est très beau, d’un noir brillant.

Dans ce long, fiévreux soliloque Aïssa Lacheb-Boukachache ne demande qu’une bonne, une honnête justice. Ne pas être traité comme un chien… Le "bon droit" vacille sur son socle. Cependant son cri n’est pas celui de l’innocent. Car il a enfreint la loi. Mais s’adresse-t-il vraiment aux juges ? N’est-ce pas plutôt la litanie d’un "fils d’Abraham" qui pleure le malheur accablant les hommes de toute éternité ? Ce livre qui s’adresse plus à Salomon qu’au garde des Sceaux est un bréviaire de la justice : de celle qui n’est pas dans les livres de lois.


Vianney Delourme
( Mis en ligne le 09/10/2001 )
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