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Se souvenir et se perdre à Dakar… | | | Sophie-Anne Delhomme Quitter Dakar Rouergue - La Brune 2010 / 13.50 € - 88.43 ffr. / 141 pages ISBN : 978-2-8126-0115-6 FORMAT : 14cm x 20,5cm Imprimer
Les livres qui nous font réellement voyager, en frôlant le cur dendroits magiques, sans pour autant adopter le point de vue voyeur de vulgaires touristes, ne sont pas si nombreux, et Quitter Dakar fait partie de ceux-là. Tout au long de son «récit-roman», nous suivons Sophie-Anne Delhomme, Directrice artistique au Courrier International, et son personnage dans une quête improbable de son passé, à Dakar, lieu de son enfance mouvementée avec sa mère morte.
Qui est-il, ce voyageur du temps et de lespace, pour qui il est manifestement plus important de se poser des questions que davoir des réponses précises à celles-ci ? Qui est cette mère, Manuela, tour à tour tendre et attachante avec lenfant quil fut, et par moment si fantasque et si lointaine, frôlant quelquefois un véritable abandon de cet enfant ? Pourquoi a-t-elle renoncé si brusquement à ce Dakar où elle passait tous ses étés durant des années ?
Plus que des réponses précises, le voyageur-narrateur cherche à simprégner de cette ville et de ces silhouettes fantomatiques quil retrouve des années après : lamant de sa mère, brutal et odieux, qui refuse jusquà lévocation du moindre souvenir de celle-ci ; la servante Prudence, compagne de ses premières années de jeux, et son brin de folie si attachant ; Thierno, le «boy» des voisins, qui avait entretenu une correspondance secrète avec Manuela des années après leur départ de Dakar ; la petite fille anonyme, camarade de jeux denfance, avec qui il sétait enfermé des heures durant dans un placard après un moment de terreur enfantine ; Licart, le vieux «toubab» nostalgique, dont on ne saura jamais quel rôle il a joué auprès de sa mère. Et Vivi, apparition fulgurante, éclair damour douloureux, dont on ne sait si elle appartient au passé du héros, à Dakar, ou à son avenir, en France.
Le récit proposé par Sophie-Anne Delhomme est loin dêtre linéaire, il nous entraîne avec elle dans les sinuosités de la ville de Dakar et de lâme de ses personnages ; le fil conducteur disparaît parfois, au rythme des changements de narrateur qui sont quelquefois déconcertants, et puis réapparaît au détour dun mur de chaux, dun souvenir ou dune phrase ensoleillés ; il faut se laisser guider pour mieux ségarer avec elle dans les méandres de la vie de ce personnage anonyme, qui nous prend par la main pour mieux se perdre avec nous dans la chaleur moite de ses fantômes de souvenirs sénégalais.
«Ici, en rêve, par des chemins de traverse, les hommes se parlent et soufflent des messages. Les songes des hommes cheminent de village en village. Il suffit dattendre, assis sous larbre que choisiront un jour, quand le soleil de midi cerne de sang le contour des choses, les âmes, les djinns et les sorciers qui parcourent la savane
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Michel Pierre ( Mis en ligne le 23/04/2010 ) Imprimer | | |