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Littérature -> Romans & Nouvelles |
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Duos habet et bene pendentes | | | Didier Pourquié Les Couilles de Dieu L'Arbre vengeur 2010 / 15 € - 98.25 ffr. / 267 pages ISBN : 978-2-916141-59-6 FORMAT : 11,5cm x 16,7cm Imprimer
Les Couilles de Dieu
Cela sonne comme le titre dun roman latino-américain quon imaginerait peuplé de personnages à la peau grasse, perdus dans la surchauffe dun bled frontalier, se grattant lentrejambe en descendant des bières tièdes dans lattente que la journée seffrite et qui, tout à coup, se verraient confrontés à un destin qui les dépasse. Et pourtant ce long rêve éveillé, signé du Bordelais Didier Pourquié, nous plonge dans un réalisme magique dont le centre de gravité sapparenterait de prime abord plus à Marcel Aymé quà García Márquez.
Lhistoire ? Sachez seulement que Floran Novolo, modeste préposé à la reprographie dans une entreprise, va se lancer à la recherche de son frère Samuel, dont la vocation est dêtre passe-muraille. Tombé selon toute vraisemblance volontairement du quatrième étage, Samuel sest laissé engloutir par les entrailles de la terre dans lidée de traverser le globe, rien moins. Floran est donc persuadé, en toute logique, quil ne pourra le retrouver quaux antipodes. Avant de sembarquer, sa maîtresse occasionnelle, la revêche mais pulpeuse Mère Joris, lui demande de lui rapporter un énigmatique «uf du bout du monde». Laventure peut prendre son essor. Elle mènera notre héros, flanqué de son fidèle acolyte Karl Katz, à côtoyer une faune dindividus tous aussi improbables les uns que les autres, à devenir une star à son corps défendant dans un pays dAfrique noire, enfin à élaborer une nouvelle cosmogonie du côté dune Polynésie réinventée. Inutile de chercher sur la carte les pays ou les îles où débarque Floran, et si par hasard même, vous en trouviez la mention, arrêtez-vous là, ils nexistent pas. Cest pour cette raison quils sont si crédibles.
La prose de Didier Pourquié est dune subtilité rare. Faisant preuve dune maestria consommée, lauteur joue à saute-discours et retombe à chaque fois sur ses pieds. Il pastiche la langue de bois des officiels guindés, lonctuosité captatrice des brochures de tour operator, la causticité cabotine des critiques musicaux ; puis cest un monologue de pirate dont le réseau lexical repose sur des expressions liées à la main (pourquoi, nous ne le révèlerons pas), puis la minutieuse description du dressage de la table idéale, mille autres trouvailles enfin. À lire ce texte chatoyant, aux imprévisibles rebonds, on sent que Pourquié est un romancier nourri dinfluences diverses mais profondes, comme sil se situait à la convergence dun delta qui deviendrait fleuve et non linverse. Dans la quête initiatique quil nous offre, il parvient à se rire des codes narratifs tout en respectant scrupuleusement ceux de la syntaxe. Une double performance quil faut saluer à lère des gribouilles vite contents deux-mêmes et plus encore du public quils parviennent à duper.
On trouve en quatrième de couverture lexpression de «réenchantement du monde». Elle nest en rien surfaite tant Les Couilles de Dieu provoque, outre un rire libérateur, une aperception sur une beauté élémentaire à laquelle nous sommes devenus complètement aveugles, pire même, indifférents. Des plumes de la qualité dun Pourquié autorisent une anagramme certes facile mais tellement tentante : lironiste se doit dêtre nécessairement un oniriste. Voilà de qui nous avons un besoin vital aujourdhui.
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 01/09/2010 ) Imprimer | | |
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