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Ann Scott à l’heure du bilan | | | Ann Scott A la folle jeunesse Stock 2010 / 15 € - 98.25 ffr. / 147 pages ISBN : 978-2-234-06253-5 FORMAT : 13,5cm x 21,5cm
Lauteur du compte rendu : Docteur en Littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes, Arnaud Genon enseigne à Casablanca. Visiting scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (LHarmattan, 2007), il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org. Imprimer
Il y a dix ans, Ann Scott publiait son deuxième roman, Superstars, texte qui la propulsait dans larène médiatique, le flot critique avec ce quil contient de raccourcis, de malentendus. Elle devenait ainsi un écrivain «générationnel», un auteur «culte». Mais les deux adjectifs qui la qualifiaient le plus souvent avaient cela dambigu quils suggéraient dans un même temps la gloire et léphémère, le feu et la paille.
Dix ans et quatre livres plus tard, donc, Ann Scott revient sur les conséquences de lécriture de ce roman, un peu comme lavait fait Christine Angot dans Quitter la ville (2000), autofiction dans laquelle elle évoquait la publication de LInceste (1999), ou comme Bret Easton Ellis dans les premières pages de Lunar Park où le narrateur relatait son ascension littéraire et ses déboires avec la drogue. Il y a ici comme la tentative de réparer les dégâts causés par la littérature, par une fiction perçue par les lecteurs comme une autobiographie : «personne ne voulait entendre que je nétais pas Louise», lhéroïne de Superstars, déclare la narratrice de À la folle jeunesse.
Ann Scott nest pas celle que lon croit, tout au moins, nest plus celle que lon a cru quelle était, même si les autres ont limpression que rien na changé : «Année après année, je suis fascinée par la jeunesse que conserve mon apparence et la perception que les autres en ont. Pour eux, je suis toujours si naïve, si absente de la réalité des choses, quils parlent devant moi comme on le ferait devant une petite fille». Désormais loin de la «culture techno», elle pose un regard sans complaisance sur son passé, mesurant «ce quon a perdu, ce dont on na pas profité, ce qui était donné au commencement et quon a bousillé». Elle évoque ainsi la vacuité de ses relations liées au monde de la mode, son enfance, sa famille, ses drames, ses phobies, les blessures qui lont faite.
Cette autofiction constitue pour Ann Scott un bilan, celui que lon dresse parvenu à lâge adulte. Comme le lui dit une de ses amies, Stella, «tu ne peux pas arriver à quarante ans et ne pas faire le bilan de ces quarante ans». On reproche souvent aux auteurs qui se prennent pour objet décriture leur narcissisme, leur manque de recul. Ann Scott na aucune indulgence pour elle-même, aucune bienveillance : «A quarante ans je nai rien accompli», déclare-t-elle. Alors, le bilan nous paraît plutôt dur mais cest peut-être là le prix de la vérité. Le jour de sa mort, nous dit la narratrice, elle lèvera son verre «au soleil qui émergera de locéan». Le reste lui est égal. Elle pourrait aussi, dans un geste qui aurait plu à Françoise Sagan, trinquer et sécrier dans un dernier souffle, sans nostalgie ni rancune : «À la folle jeunesse» !
Arnaud Genon ( Mis en ligne le 01/10/2010 ) Imprimer
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