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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Antoine Volodine Ecrivains Seuil - Fiction et cie 2010 / 17.50 € - 114.63 ffr. / 185 pages ISBN : 978-2-02-102240-7 FORMAT : 14cm x 20,5cm Imprimer
Dix. En cette rentrée littéraire, ce ne sont pas moins de dix écrivains post-exotiques quil nous est donné dentendre. Outre Lust Bassmann et Manuela Draeger (Les Aigles puent chez Verdier, Onze rêves de suie à lOlivier), voici Antoine Volodine lui-même qui nous transmet les paroles et les récits de sept autres auteurs de ce courant étrange, apparu il y a maintenant plus de vingt ans. Antoine Volodine se fait le passeur régulier de cette communauté invisible, retenue dans les geôles anti-révolutionnaires, ou bien en transit dans les limbes ou le Bardo.
Écrivains est ainsi constitué dune succession de sept textes qui sont autant de portraits lacunaires et fragmentaires d«écrivains» post-exotiques. La dimension métalittéraire de lensemble est donc évidente, douze ans après Le Post-exotisme en dix leçons. Dans le système volodinien, le post-exotisme désigne une condition littéraire autant quun genre : à savoir un groupe de voix éparses, fragiles et murmurantes, qui continuent à parler malgré la torture, les camps, lenfermement, voire la mort elle-même. Volodine réunit ces maigres paroles qui émergent depuis lapocalypse et qui bravent avec entêtement et en pure perte la répression du fascisme capitaliste : «[
] tant que nous disposerons dun peu de souffle encore, nous inventerons encore et encore la magie absurde de cette parole, nous irons dans les mots et nous dirons le monde» (pp.37-38).
Les sept auteurs créent chacun à sa façon des bribes de récits et de personnages, en rapport avec ces conditions de souffrance et cette atmosphère dépuisement généralisé. Ils sont tous présentés de manière différente : que ce soit par le biais dune conférence littéraire réalisée post-mortem, par celui dune liste de remerciements énoncée lors dune cérémonie fantôme, ou par celui dun souvenir des premiers écrits de lenfance, les sept écrivains dévoilent leurs rapports au langage et à lexpression verbale du monde. Auteur secret et méconnu, enfant écrivant sans relâche malgré une orthographe défaillante, prisonnière en transe au fond dune cellule, voire analphabète ne pouvant passer que par loralité, ils sadressent tous à des ombres, quil sagisse deux-mêmes, de spectres ou de poupées de chiffon et de métal.
Dans luvre de Volodine, Écrivains marque une étape importante, en ce quelle aborde frontalement le thème même de lécriture. Des références explicites font leur apparition, quelles soient cinématographiques (Tarkovski, Bergman, Tarr, Murnau
) ou littéraires cest Beckett, évidemment, qui surgit (une troupe théâtrale sappelant «Les Beaux jours», un roman intitulé Malone au paradis), comme un lointain initiateur des dispositifs post-exotiques, avec ses résidus de paroles minés par le néant. Lauteur retrouve également une forme qui lui réussit, celle de lensemble de textes relativement brefs : petites nouvelles, portraits, courts essais narrativisés. La dispersion des voix post-exotiques et limpression dune succession déchos à lorigine indéfinie, sont alors rendues plus palpables que dans les grandes sommes, parfois étouffantes et redondantes, que pouvaient être Dondog ou Songes de Mevlido. Lhumour alterne ici avec le désastre et le désespoir ; le symbolique fraye avec la référence historique directe (la chute du Mur de Berlin et les «camps de concentration» sont nommément cités, fait assez rare chez Volodine) et lexpression politique militante (lappel à linsurrection, la lutte armée face aux «assassins» du pouvoir officiel).
Écrivains fait alors surtout penser à ce texte méconnu et injustement mal-aimé quétait Nos animaux préférés (2006), ensemble de petites fables drôles et terribles, mettant en scène éléphant, crabe ou mouettes dans un monde en déliquescence, comme aujourdhui ces auteurs en perdition. Lécrivain agonisant est comme la bête en voie dextinction. La force du livre constitue alors aussi sa faiblesse : adressé avant tout à un public déjà familier de lunivers volodinien, de son système décriture et de sa poétique, il ne manquera pas de décontenancer les lecteurs novices. Pour entrer dans le post-exotisme, mieux vaut ne pas commencer par ce texte à la dimension réflexive importante.
Fabien Gris ( Mis en ligne le 25/10/2010 ) Imprimer | | |
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