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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Serge Filippini Le Combat des Trente L’Archipel 2010 / 19.95 € - 130.67 ffr. / 280 pages ISBN : 978-2-8098-0377-8 FORMAT : 14 x 22,5 cm Imprimer
Une aube apocalyptique se lève sur un Paris peuplé danimaux errants et dhommes sans lois. Nuit atomique, feu solaire et campagnes guerrières, pillage et rapine, meurtre et épidémies ont réduit la ville à létat de crassier, percé de galeries et piqué de beffrois égueulés tout ce qui reste des tours du XIIIe, transformées en nids daigles. Neuillis, Montsouris, storitelli : autant de clans et de tribus se sont partagé ces décombres comme un haillon démaillé. On navait pas vu la ville dans un tel état depuis Ravage de Barjavel, mais décrite par un lointain descendant de Froissart, sur un ton de chronique hallucinée.
Une étincelle, parfois, éclaire les ténèbres de crânes livrés à la ruse, la méfiance et la survie. Laura johannique dAsha, vierge mystique qui aurait lu Milton et rêve de refonder la ville. Les pouvoirs miraculeux du Vicaire, qui règne en mage sur la carcasse de Notre-Dame comme un Frollo frelaté. Léclat dun philtre dont le seigneur Angst, un de ces lépreux moisis dans les réservoirs dombre de Montsouris, veut croire quil sera lantidote à sa malédiction. Cest à coups de dés à vingt faces que Serge Filippini manipule ces figurines, et bien dautres, sur léchiquier dun jeu de rôles dont les cases forment la dalle des Olympiades. La plupart sont des cavaliers aux sautes imprévisibles, mais aussi des fous déloyaux ou des brutes hébétées de doutes passagers.
Comme dans lépisode de la guerre de Cent Ans qui donne son titre au roman, Angst et Rob, les frères ennemis, choisiront de saffronter à nombre égal. Ce Combat des Trente, comme la guerre de Troie ou le catch à quatre, a donc bel et bien lieu, et cest une boucherie picrocholine, un corps à corps insensé, un Kagemusha sur fond de lavis hugolien. Carnage si confus que Dieu se désintéresse de lissue et que prodiges et miracles, pourtant annoncés, tournent au vinaigre. Lespoir na pas changé de camp, le combat na pas changé dâme, ne reste quune poignée dadversaires éventrés, trop hagards pour se frapper de nous avoir divertis. Les augures étaient donc trompeurs et la vertu dAsha finit aux orties.
Ayant barbouillé son lecteur de sang et de tripes, Filippini larrache in extremis à la mêlée pour lui en faire contempler les reliefs à distance, et ce qui paraissait une épopée devient labsurde péroraison dun monde à lagonie, comme si limage cachée de cette tapisserie futuriste était sans motif. Aussi se pourrait-il que cette « chronique du prochain Moyen Âge », dune grande sûreté de plume, soit une fable philosophique. Il nest pas fréquent, en effet, quun roman danticipation nous annonce un lointain passé : cest le tour de force de ce récit qui mord limagination sans lâcher prise.
Sylvain Gabarre ( Mis en ligne le 09/11/2010 ) Imprimer | | |
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