| Christina Mirjol Les Petits gouffres Mercure de France 2011 / 15 € - 98.25 ffr. / 155 pages ISBN : 978-2-7152-3190-0 FORMAT : 14,2cm x 20,6cm Imprimer
Cristina Mirjol publie son troisième roman Les Petits gouffres au Mercure de France. Le roman est constitué de nouvelles offrant des images, souvenirs denfance, drôles ou nostalgiques, tous intimes.
Grand mère pleure, ses larmes coulent doucement sur ses doigts ridés et sur le gâteau danniversaire de son petit fils... Est-ce parce quelle est vieille quelle pleure ?... Le temps passe si vite... Elle se rappelle : elle aussi a eu dix ans, deux longues jambes et, au bout dun torse maigre, une tête de bécasse, dit maman. Cest vrai quelle a lair bête, dégingandée, empêtrée dans ces grands bras et ces interminables jambes qui ont poussé. Dans sa tête un désordre sest installé. Bousculée, affolée par tous les ordres quon lui inflige - tiens-toi droite, lave tes mains, sois belle : tu as dix ans... Oui, oui, elle essaie. Dix ans... est-ce là lâge où la vie tout à coup devient noire, lâge où, en un instant les parents sont vieux et ont perdu leur pouvoir de réconforter et de rassurer ? Bien sûr elle se rappelle... cétait hier....
Frigidaire, en voilà un mot quotidien, anodin, sans danger. Qui pourrait croire quil recèle de tels abîmes de terreur ? Avec elle, la classe sèche : il faut trouver le synonyme qui se substituera avec évidence au mot frigidaire. Cest la toute nouvelle exigence de Mademoiselle Escoffier, la prof de français, qui plonge dans leffarante certitude de leur nullité les trente enfants soumis aux exigences de la langue française. Tous, ils ont tous compris le jeu de la prof mais elle, sa grande bouche noire et ses noirs cheveux, les paralyse... Un synonyme de frigidaire... Osera-t-elle... elle a bien une petite idée...
Et puis lautre, la patiente, lindulgente institutrice, celle qui rachètera lexigeante Mademoiselle Escoffier, celle qui accordera un premier prix de poésie au petit Pierre, le bègue. Ah ! Apollinaire ! Pierre la sait encore sa poésie ! Les parents ny croient pas... Bien sûr... Ils ne peuvent pas y croire : humilier ainsi un enfant... comment peut-on ?
Une langue écrite qui imite à la perfection la langue orale, volontairement puérile, avec ses répétitions, ses hésitations. Mêlant imparfait et présent Christina Mirjol passe de lancien à maintenant avec un talent pervers qui met le lecteur dans une transe éphémère. Chaque nouvelle se lit comme un petit drame : dans un décor des plus banals, tout à coup un mot met en alerte, le climat change, le lecteur attend, sinquiète.
Lauteur fait ressurgir ces petits drames de lenfance, ces minuscules souvenirs qui, lorsquils semblent vouloir crever la surface de notre mémoire pourraient nous mettre en danger. De ceux qui nous feraient vite basculer dans ces «Petits gouffres» si notre raison dadulte ny mettait vite bon ordre. Gênants, ces souvenirs, douloureux peut-être, qui nous ont bâtis... ou détruits peut-être... quelque part.
Anny Lopez ( Mis en ligne le 08/06/2011 ) Imprimer
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