| Gilles Boyer Edouard Philippe Dans l'ombre JC Lattès 2011 / 21,50 € - 140.83 ffr. / 567 pages ISBN : 978-2-7096-3707-7 FORMAT : 14cm x 22,5cm Imprimer
En pleine Révolution, dans une veine on ne peut plus lyrique, Robespierre affirmait être animé par «cette passion tendre, impérieuse, irrésistible, tourment et délices des curs magnanimes, cette horreur profonde de la tyrannie, ce zèle compatissant pour les opprimés, cet amour sacré de la patrie, cet amour plus sublime et plus saint de lhumanité, sans lequel une révolution nest quun crime éclatant qui détruit un autre crime». Tout lecteur de lexcellent roman politique Dans lombre d'Édouard Philippe et de Gilles Boyer constatera que tel nest pas toujours le cas en politique... Pis, il fera probablement sienne lassertion de Sir Winston Churchill que les auteurs ont placée en exergue du livre. Selon cette dernière, «la politique est presque aussi excitante que la guerre, et tout aussi dangereuse».
Les auteurs connaissent parfaitement leur sujet : alors que Gilles Boyer a été le directeur de cabinet dAlain Juppé, avant de le rejoindre au Quai dOrsay en tant que conseiller spécial, Édouard Philippe est actuellement maire du Havre. Autrement dit, les deux auteurs sont particulièrement bien informés. Nont aucun secret pour eux le milieu politique et, mieux encore, les sombres coulisses de ce que Raymond Barre tenait pour un «microcosme». Ce roman en est «une description vivante, à la fois féroce et drôle».
Se définissant comme un «apparatchik», le narrateur est le confident, le conseiller et lami du Patron. Honnête, il prévient demblée quil ne sest «jamais pris pour un homme politique. Je connais beaucoup de mes pairs qui ont souhaité passer la barrière, continue-t-il à cet égard. Certains ont plutôt bien réussi. Ils ne sont pas nombreux et je ne les aime pas. Dans mon monde, affirme-t-il malicieusement, on trouve beaucoup de gens qui sont là pour des raisons qui nont pas grand-chose à voir avec leur talent politique : des femmes parce quil en faut, des veules parce quil y en a, des flatteurs parce quils ne représentent rien, et que rien, en politique, cest souvent moins dangereux que quelque chose. Tous ceux-là, je fais avec. Mais ceux que je ne peux pas supporter, ce sont les apparatchiks qui se prennent pour des politiques».
Son Patron, quant à lui, est un véritable politique. Et «cest autre chose. Cest une capacité à incarner, une volonté de projection vers les autres, une empathie animale, une énergie constante. Cest une aptitude à sentir et à toucher les gens, à leur faire comprendre que lon est à la fois comme eux et différent, capable de les comprendre et pourtant au-dessus deux. Un politique ne vit que lorsquil est regardé, lorsquil est écouté, et lorsquil doit convaincre : que sa position est la bonne, que ses idées sont les plus justes, quil est le meilleur, ou le plus fort, ou le plus drôle, et quil fait la différence. Je nen connais pas qui se pense inutile. Ou qui conçoive que quelquun dautre ferait mieux. Aussi bien, cest peu envisageable. Mieux, cest impossible».
Alors que le premier tour de lélection présidentielle se profile, une coriace rumeur vient déstabiliser la campagne du Patron : sa victoire à 500 voix près lors de la primaire de son parti, alors quil nétait pas favori, serait frauduleuse. Le scrutin aurait en effet été truqué ! Entouré dune équipe comprenant «le Major», i.e. le directeur de campagne, Marylin, chargée des relations avec la presse, et «la Valkyrie», qui est quant à elle chargée de lorganisation, le conseiller du Patron sévertue à remonter jusquà la source de cette rumeur et, surtout, à la contrer afin que ne seffondrent pas la légitimité et avec elle les chances de succès électoral de son candidat.
Cette plongée dans les affres de la politique est à la fois très réaliste et passionnante.
Jean-Paul Fourmont ( Mis en ligne le 03/10/2011 ) Imprimer | | |