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Marc Beltra ou le romanquête de soi
Mathieu Simonet   Françoise Olivès   Marc Beltra, roman autour d’une disparition
Omniscience 2013 /  16,90 € - 110.7 ffr. / 220 pages
ISBN : 978-2-916097-36-7
FORMAT : 14,0 cm × 21,0 cm

Préface de Patrick Poivre d’Arvor

Arnaud Genon est docteur en littérature française, professeur certifié en Lettres Modernes. Il enseigne actuellement les lettres et la philosophie en Allemagne, à l’Ecole Européenne de Karlsruhe. Visiting Scholar de ReFrance (Nottingham Trent University), il est l´auteur de Hervé Guibert, vers une esthétique postmoderne (L’Harmattan, 2007) et de L’Aventure singulière d’Hervé Guibert (Mon petit éditeur, 2012). Il a cofondé les sites herveguibert.net et autofiction.org.

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En décembre 2003, Marc Beltra disparaissait «dans un mouchoir de poche, situé à la frontière du Pérou, de la Colombie et du Brésil». Courant 2004, une enquête fut ouverte. Elle a récemment été refermée. On ne sait toujours pas ce qui est arrivé à Marc. S’il est vivant. S’il est mort. Dans quelles conditions. Le saura-t-on jamais ?

Après plusieurs années de recherches infructueuses, Françoise, sa mère, a demandé à Mathieu Simonet, avocat de la famille, d’écrire ce livre. Comme un hommage, une manière de refuser l’absence, le vide, de tenter de le combler, le temps de quelques mots. Il a accepté, avec les risques que cela suppose : «mon livre pouvait-il faire du bien à Françoise ? Pouvait-il faire du mal ? Ce projet littéraire, je le sais, est à plusieurs niveaux borderline ; à l’intersection de ce que je suis».

Ici, comme dans ses deux premiers romans publiés au Seuil – Les Carnets blancs (2010), La Maternité (2012) –, il s’agit pour l’auteur de composer un roman-choral où la parole est donnée à chaque acteur. Mathieu Simonet a ainsi pioché dans le journal de Françoise, dans les mails de Marc, dans les témoignages, il a extrait des séquences d’un documentaire de TF1, d’un film de Michel Olivès, il a interrogé des amis, des proches, des personnalités (Florence Aubenas) dont il rapporte ici les mots. Ces différents fragments sont par la suite restitués dans un certain ordre, mêlés à la narration qui retrace le parcours du disparu mais qui inclut elle-même l’histoire de l’écrivain. «Je fais pivoter les paragraphes comme on décharge les camions. Sérieusement. Sans état d’âme». Leurs chemins viennent alors à se croiser, participent d’une mosaïque où l’image de Marc Beltra dessine en creux les portraits de tous les intervenants.

Marc Beltra, roman autour d’une disparition est un livre passionnant, une mise en vertige du «je» de Mathieu Simonet qui entraine dans sa course tous ceux qu’il rencontre dans le cadre de cette affaire. «J’écris sur l’intime. Sur mon intimité et sur celle des autres. Je mélange ces intimités ; je pars de témoignages réels, je malaxe, j’introduis des rêves, des phrases sans queue ni tête prises dans le métro». Car l’histoire de Marc ramène le narrateur à lui-même, à une scène originelle qui hante sa vie depuis une dizaine d’années et qui a conduit son père à l’hôpital psychiatrique quelques temps après sa naissance. «Cette scène originelle autour de laquelle je tourne depuis bientôt dix ans, c’est peut-être une cérémonie similaire à celle recherchée par Marc. Une cérémonie au cours de laquelle mon père, pour la première fois, aurait goûté de l’ayahuasca» (breuvage hallucinogène à base de lianes utilisé par les chamans des tribus amazoniennes).

Cette recomposition de l’histoire de Marc Beltra vient à créer un au-delà de son histoire, mais aussi un au-delà du récit, du roman, de l’autofiction ou de toute forme générique connue : «Au cours d’un dîner, j’ai posé mes conditions. Je voulais avoir carte blanche. Ne pas être obligé de raconter la vérité. Non pas que j’ai en tête de travestir le réel, mais je ne veux pas de débat sur ce qui est vrai, sur ce qui est faux. L’écriture est suffisamment compliquée, suffisamment fragile, pour ne pas y introduire le filtre de la vérité». Le livre se fait puzzle, une sorte de romanquête tourné sur Marc Beltra et sur l’auteur lui-même, il a aussi des allures de «Cluedo», «de romans d’Agatha Christie. Avec la frustration en prime. Celle de ne pas forcément connaître la fin». L’auteur, à propos de son entreprise, vient à parler «d’autobiographie collective».

Ce qui est certain, c’est que ce livre interroge, nous interroge, sur Marc Beltra, bien sûr, sur ce qui a eu lieu, mais plus généralement sur le deuil quand il n’y a pas de corps, quand il n’y a pas de mort, sur la confidence, la confiance. Jusqu’où l’intimité se dit-elle, se partage-t-elle ? Les secrets doivent-ils circuler ? (Hervé Guibert était maître en la matière…). Mathieu Simonet, écrivain, avocat : quelles sont les limites de l’un quand l’autre est soumis au secret professionnel ?

Il y a une tension, tout au long de ce texte. Une tension qui nous happe puis nous captive et nous tient. La fin du livre est pourtant connue : on ne saura pas. Des bribes. Des poussières. Mais l’histoire qui est , dans la tentative de comprendre cette disparition, est aussi ailleurs : dans ce que la disparition d’un être qu’on aime dit de nous, dans le blanc qu’elle laisse, dans le vide qu’elle creuse. L’écriture de Mathieu Simonet est une écriture du manque que l’on tente de combler par les mots. C’est une écriture de l’absence que l’on tente de panser en ressuscitant par le verbe celui ou celle qui a disparu. (Les Carnets blancs étaient déjà l’histoire de la disparition des carnets qui avaient accompagné sa vie et La Maternité le récit de la perte de sa mère par un cancer). Ses livres, ce sont des cérémonies collectives. Des adieux, des au revoir. Poignants. Mais non pas déchirants. Puisqu’il y a toujours dans ce geste, dans ses gestes, une délicatesse qui apaise et fait du bien.


Arnaud Genon
( Mis en ligne le 23/01/2013 )
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  • Les Carnets blancs
       de Mathieu Simonet
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