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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Clémence Boulouque Je n'emporte rien du monde Gallimard - Blanche 2013 / 8,90 € - 58.3 ffr. / 91 pages ISBN : 978-2-07-013901-9 FORMAT : 12,5 cm × 18,5 cm Imprimer
Fille du juge Boulouque qui sest suicidé en 1990 alors quelle avait 13 ans, Clémence Boulouque, profondément marquée par ce drame, est devenue romancière, critique littéraire et journaliste. Aujourdhui, elle vit et enseigne à New York. Dans Mort dun silence, en 2003, elle se souvenait : «Bientôt, à vingt-six ans, onze mois et six jours, jaurai passé plus de la moitié de ma vie sans lui». Son récit avait été porté à lécran par William Karel sous le titre La Fille du juge. Depuis, elle a écrit sept romans et a trouvé sa place dans le monde littéraire.
Je nemporte rien du monde est une histoire proche et différente de Mort dun silence. Un texte très court (90 pages en typographie aérée), mais dense. Clémence Boulouque se souvient dun autre drame qui a marqué son adolescence, trois ans plus tard : celui du suicide de Julie qui fut sa «meilleure amie», du moins le pensait-elle. En gigognes, les souvenirs reviennent et se déploient : souvenirs du père, souvenirs de lamie, des fringues portées, des copains, des cours à Condorcet où le père avait lui-même suivi sa scolarité. Souvenirs des souvenirs que lui racontait son père : des chahuts, de latmosphère lycéenne des années 60.
Elle sinterroge aussi sur les morts aimés, sur la place quils occupent dans nos vies : «Par sa mort, mon père mavait donné à connaître la compagnie des disparus, cette façon de lire leur trace comme du braille, de passer la main sur du vide, de continuer dentendre leurs voix, fût-ce dans celles des autres puisque le souvenir dune voix semble être celui qui vous abandonne le premier» ; sur leur présence absente : «Je voudrais croire que les disparus viennent nous retrouver dans nos fragilités» ; sur tout ce quon na pas eu le (pas pris) le temps de partager avec eux : «Je navais pas trouvé les mots. Je navais rien dit à Julie, comme je navais rien dit à mon père. Je navais plus de larmes pour leur confier combien ils avaient compté. Et lespoir quils laient deviné».
Un livre religieux (au sens où religio signifie relier), une méditation sur la mémoire et loubli, les équilibres à trouver, et qui ouvre sur la vie avec les deux dernières phrases : «Laisser les morts nous quitter. Sen séparer. Le temps est passé. Alors le temps est venu».
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 01/02/2013 ) Imprimer
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