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Le Roman bourgeois
Antoine Furetière   Le Roman bourgeois
Flammarion - Garnier Flammarion 2001 /  8.24 € - 53.97 ffr. / 399 pages
ISBN : 2-08-071073-7
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Qui, en dehors des spécialistes de la langue et de la littérature françaises, se souvient encore de Furetière (1619-1688) ?

Pourtant ce contemporain de Corneille, de La Fontaine, de Molière, de Racine connut son heure sinon de gloire, du moins de tapageuse notoriété, en un temps où la concurrence était rude. Si cet homme de loi devenu homme d'Eglise s’était contenté d’écrire des vers comiques et satiriques, s’en prenant de préférence à la préciosité (Melle de Scudéry et son Grand Cyrus étaient fort à la mode vers 1650-1660) ; s’il n’avait publié que sa Nouvelle allégorique ou histoire des troubles arrivés au royaume d’Eloquence (1658), où il égratignait le milieu littéraire du Paris de l’époque ; s’il s’était satisfait d’être reçu à l’Académie (1662) comme bien d’autres, devenus Immortels sans être jamais nés à la littérature ni d’ailleurs à quoi que ce fût d’important, Furetière aurait traversé paisiblement son siècle dans une discrète honorabilité.

Mais voilà qu’il prétendit secouer le joug de la bienséance académique, à 47 ans, en publiant son Roman bourgeois (1666), qui fut jugé tout à fait indigne d’un auteur consacré par ses pairs. D’abord, il abandonnait les deux seuls types de personnages alors admis par la bonne société, les héroïques et les picaresques, et à leur place il installait dans le roman le peuple ordinaire; ensuite, il disséquait avec un réalisme dérangeant les usages intéressés du mariage bourgeois et les mécanismes de ses ruptures, où la haine et l’avidité jouent les premiers rôles, et il soumettait les robins à une satire virulente ; enfin, au lieu de construire son ouvrage selon la savante organisation imposée par les canons en vigueur, il le présentait sous la forme d’un catalogue, d’une succession désordonnée de scènes, tantôt indépendantes, tantôt imbriquées, souvent interrompues par des fragments de discours, des anecdotes, des commentaires, des textes juridiques, des inventaires, des testaments, des parodies de budgets prévisionnels ou de plans d’ouvrages pédantesques…, si bien qu’on peut voir aujourd’hui dans ce roman, alors d’un nouveau genre, l’ancêtre lointain de diverses oeuvres contemporaines qui ont elles aussi défrayé la chronique en leur temps.

Et puis il y eut surtout l’affaire du dictionnaire, trombe d’eau qui fit sauter les dernières digues de la tolérance. Le scandale éclata lorsque l’académicien Furetière annonça son intention, en 1684, de donner au public son propre dictionnaire, concurrent de celui de l’Académie. L’indignation fut à son comble lorsque parut en effet son Essai d’un dictionnaire universel, qui avait cependant obtenu un privilège du roi, et l’auteur fut exclu de l’Académie par 19 voix contre une (celle de Racine qui avait eu recours à sa collaboration pour Les Plaideurs). Il est vrai que Furetière avait aggravé son cas en acceptant, en cette même année 1684, d’être élu chancelier de l’Académie chargé de la révision et de la collation des cahiers des lettres A et B du… Dictionnaire de l’Académie ! Indélicatesse évidente, mais les hommes sont ainsi faits. Pendant les quatre années qu’il lui restait à vivre, il occupa ses jours à ferrailler contre ses anciens confrères et sans doute aussi à compléter et corriger son chef d’oeuvre, qui fut imprimé après sa mort en Hollande sous le titre de Dictionnaire universel, contenant généralement tous les mots français tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, et qui fut bientôt reconnu par les contemporains, puis par la postérité, comme un document fondamental.

Les éditions Flammarion rééditent Le Roman bourgeois, qui n’est pas toujours d’une lecture captivante, mais qui est vraiment une curiosité. Il faut le parcourir en songeant qu’il constitue la première rupture d’une tradition romanesque ancienne, qu’il fait surgir dans le roman, en même temps que Molière dans le théâtre, le peuple réel et la vie de tous les jours, et qu’il prépare de loin, comme une ébauche maladroite sans doute, mais féconde, le foisonnement de l’univers balzacien… Cette réédition s’accompagne d’une présentation, par Marine Roy-Garibal, qui gagnerait à être plus simple mais qui est très bien documentée ; elle comporte aussi un dossier sur la doctrine du roman héroïque, la crise du romanesque et la satire de Furetière, une abondante bibliographie et un lexique. Ainsi le lecteur est-il bien armé pour approfondir, en s’intéressant à un écrivain original, certains aspects trop méconnus de notre littérature classique.


Guy Bégué
( Mis en ligne le 29/04/2001 )
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