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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Steve Erickson Radio Ethiopie Actes Sud - Lettres anglo-américaines 2014 / 23 € - 150.65 ffr. / 370 pages ISBN : 978-2-330-03074-2 FORMAT : 11,6 cm × 21,7 cm
Clément Baude (Traducteur) Imprimer
Avec son exubérant neuvième roman, Radio Ethiopie, Steve Erickson, écrivain américain reconnu et directeur de la revue littéraire Black Clock, nous conte les aventures improbables dune famille daméricains moyens, victimes de la crise économique en 2008.
Ils regardent en direct lélection du premier Président noir élu, porteuse de tous les espoirs. Zan Nordhoc, écrivain en panne dinspiration, fait le DJ dans une radio pirate dun canyon proche de Los Angeles et croit en une Amérique post raciale. Viv, aux cheveux turquoise, est photographe et a été plagiée par un artiste de renom, mais elle na pas les moyens financiers de récupérer son uvre grâce à la justice. Parker, ado de douze ans, se serait bien passé de ladoption par ses parents dune petite Ethiopienne de quatre ans quils appellent Saba (comme la reine de la tradition biblique). Ils ne peuvent absolument pas rembourser un prêt immobilier et savent que leur maison infestée de rats leur sera saisie. «Les finances grèvent tout. Au moins deux fois par jour Zan va sur internet, la boule au ventre, pour consulter des soldes bancaires volatilisés et un site de traitement de prêts indiquant quelles maisons ont vu leur nouvelle date de saisie annoncée».
En effet, Zan, professeur dans un collège, na pas vu son contrat renouvelé. Ils nont plus dargent mais croient profondément que la situation va saméliorer avec ce nouveau président. Quand loccasion se présente pour Zan de faire une conférence sur la fin du roman au XXIe siècle, toute la famille part à Londres. Le père reste là avec les enfants tandis que Viv senvole pour Addis Abeba à la recherche de la famille biologique de Saba-Zéma. Saba disparaît, enlevée par une jeune nounou mystérieuse, éthiopienne elle aussi. Nous assistons à lodyssée du père et du fils jusquà Berlin pour les retrouver, ainsi que Viv qui sest volatilisée dans la capitale africaine.
Lauteur fait ensuite une digression, quarante-trois ans en arrière, pour nous raconter lépopée de Jasmine, la mère de la nounou qui rencontre Bob Kennedy à Londres et devient sa confidente quelques mois avant son assassinat en 1968. Bob dit à Jasmine : «les gens pensent que je nai peur de rien, alors quen vérité, jai peur de tout et il ny a pas si longtemps que ça, jai juré devant un Dieu que jaime (
) que je ferais toutes les choses dont jai peur». Le sénateur a les mêmes idées concernant les races que le nouveau président noir. Il était en avance avec son frère, en tant quAttorney Général, sur les droits des Noirs. Mais les deux seront assassinés. Plus tard Jasmine devient intime avec une star du rock britannique, «lextra-terrestre androgyne», qui rappelle David Bowie et dont Saba chante toujours les refrains. Apparemment, le musicien est le grand-père de Saba... Les aventures des uns et des autres sont reliées entre elles car quarante-et-un ans plus tôt, sauvé de la foule hystérique dans une manifestation, Zan, du Nouveau Monde, dix-huit ans alors, est sauvé in extremis par Jasmine, de ce Vieux Monde qu'est lAfrique.
Steve Erickson tire les ficelles de tous ces pantins reliés aussi entre eux par des fils : le roman que Zan essaie décrire contient une scène qui rappelle dune manière frappante un moment dArc X, un autre roman de lauteur, dont le héros sappelle Erickson. On avance la lecture dans un flot dénigmes et cest ce qui fait le charme du livre. Cette boucle non bouclée entraîne une méditation sur les races (Saba se demande pourquoi elle est seule à avoir la peau foncée). Mais Zan et Viv avaient placé tout leur espoir dans une vie meilleure à lintérieur de leur pays. Le thème de lanxiété économique parcourt tout le roman. Malgré les promesses dObama, que va devenir la famille Nordhoc ?
Certains passages sont courts, les autres plus longs, et Erickson parvient à tisser les uns aux autres tous ces récits pourtant éloignés dans le temps. Le tout donne un roman labyrinthe riche en énigmes, qui paraît embrouillé au départ et demande une grande attention, pour lequel il faut chercher les relations entre les chapitres, mais dont la fin, elle, est transparente...
Eliane Mazerm ( Mis en ligne le 26/05/2014 ) Imprimer | | |
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