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Retrouvailles douces amères | | | Julian Barnes Dix ans après Mercure de France - Bibliothèque étrangère 2002 / 18.5 € - 121.18 ffr. / 256 pages ISBN : 2-7152-2223-8 Imprimer
Julian Barnes a connu un beau succès avec Love etc., livre qui lui a valu, en 1992, le prix Femina étranger. Dix ans après, son trio héroïque est de retour : Gillian, Olivier et un Stuart bien décidé à reconquérir sa femme ravie, il y a dix ans par Olivier, un don juan clownesque que les années ont passablement éreinté.
Dans Love, etc., Stuart apparaissait en lançant un "Salut ! Je mappelle Stuart Hugues. Enchanté de vous rencontrer. On se serre la main ?" Dix ans après, il annonce son retour tout naturellement : "Salut ! On sest déjà rencontrés. Stuart. Stuart Hugues." Et on se laisse prendre aussi facilement que si "il y a dix ans", cétait hier. En somme, Julian Barnes sonne des retrouvailles, avec un ton plaisant, mi-nostalgique, mi-ironique. Mais dans ce roman doux-amer, lhumour est presque toujours teinté dune ironie particulière ; non pas ce mouvement léger de lesprit que célébrait Jankélévitch, mais plutôt le sentiment de la dérision et de la flétrissure. Lun dans lautre. Si bien que, touchés au cur presque à coup sûr, on voudrait de temps à autre crier au "coup bas".
Les retrouvailles de Stuart et dOlivier, ou le roman de lamitié perdue, se double de celles de Stuart et de Gillian - le récit de limprobable second printemps. Ces deux-romans-en-un sont construits avec la technique du contrepoint : plusieurs personnages vivent la même aventure, ce qui permet de la raconter de différents points de vue. Cela donne au lecteur lillusion de lomniscience qualité divine sil en est. Mais si cette astuce est efficace, elle est également trop facile, car en réalité fondée sur un récit un peu superficiel. A chaque page, le lecteur zappe dune pensée à lautre, dun personnage à un autre. Et de fait, ce livre est une auberge espagnole : on y trouve non pas ce quon y a apporté, mais un peu de tout. Des poncifs sur lamour, des mots frappés "au coin du bon sens", dautres encore, incisifs, pertinents, brillants. Et façonnés pour laisser pensif le lecteur, lequel est le véritable héros de ce livre, car appelé à réaliser, dans le même temps que le trio, son propre bilan amoureux, professionnel, social, etc.
Sil est vrai que "de nos jours, les fables de La Fontaine se passent au supermarché", alors on peut avouer que le livre de Julian Barnes est un roman de gare - sans avoir le sentiment de médire. Simplement, ce récit allie des qualités fort nombreuses à une vocation de distraction. Et peut-être ce récit est-il tout simplement moins intelligent quon ne le présuppose un temps ? Comment dire que l'on n'est pas convaincu par un livre pourtant reconnu et célébré ? Et bien voilà qui est fait...
Vianney Delourme ( Mis en ligne le 18/02/2002 ) Imprimer | | |