| W.W. Alter ego Phébus - D'aujourd'hui 2002 / 16.5 € - 108.08 ffr. / 198 pages ISBN : 2-85940-802-9
Préface de Patrick Reumaux Imprimer
W.W. est un assassin. Un homme au demeurant quelconque, oubliable entre tous, se décrivant comme un rat. Derrière chacun de ses gestes, il sent confusément la présence dun double. Son alter ego, William Wilson, impose sa silhouette féline de chat indomptable et revendique les exactions de lautre, ou vice-versa. Chacun à son tour présente sa version de lhistoire, des faits. Trois femmes, trois meurtres, trois intrigues croisées et crapuleuses, passées au filtre de cette double personnalité. W.W. est discret, timide, introverti, jaloux maladif quand William Wilson se révèle agité, impulsif, froidement calculateur. Sils sopposent sur leurs origines réciproques, ils saccordent globalement sur les mobiles des meurtres. Mais ces assassinats sont-ils bien réels ? Les trois victimes, Else (autrement en anglais), Elsie et Elsa, existent-elles seulement ? Si rien nest vrai, tout se tient, et si personne nest dupe, on sinterroge tout de même. Cest là tout lintérêt du propos. Dès lors, tout senchaîne selon une mécanique implacable sur fond de désir sexuel, de bestiale humanité ou dhumaine bestialité, cest selon. Dans cette histoire, lhomme est un chat pour lhomme, un animal savant qui sait être rat.
W.W. hypnotise le lecteur, lenivre dans une invraisemblable ronde de vraisemblances. Le récit noffre ni repère, ni vérité. Ses métaphores dessinent au fil des pages un éloge de lincertain. Selon le mystérieux Patrick Reumaux (auteur de la préface et, selon toute probabilité, du livre), "les romanciers sont des faussaires et leurs romans des contrefaçons". Ce jeu de fausses pistes dénonce "la ressemblance", refuse lidée quil puisse exister une vérité dans la littérature. Toutefois, grâce à la fluidité de son phrasé, à lambiguïté quil cultive avec légèreté, lauteur négare pas le lecteur dans un labyrinthe inextricable. On se laisse volontiers bercer par cette plume alerte, ce mode de narration schizophrène qui conforte la dualité du héros, chacune des facettes de cette personnalité complexe sexprimant tour à tour.
Mais si la transparence est de rigueur, lénigme nen demeure pas moins dense. Alter Ego soulève de nombreuses questions : du nom de lauteur à la fable animalière sous-jacente, tout demeure incertain, ouvert. Pour tout commencement de réponse, le texte est truffé de clins dil, de références plus ou moins explicites à luvre dEdgar Poe (Le Masque de la mort rouge entre autres). W.W., héros malgré lui, sinspire, naturellement, du William Wilson de Poe, un conte aux résonances autobiographiques. On attribuerait volontiers ce roman à tiroirs à Patrick Reumaux, retirant ainsi à W.W. ce qui ne lui revient pas mais rendant au romancier sa folle audace, celle de navoir pas signé son propre ouvrage. Intriguant et joueur, il laisse au lecteur la fantaisie de choisir son auteur. En définitive, cette histoire envoûtante et paradoxale se laisse lire avec une certaine impatience pour qui nattend pas de réponses. Cest là tout le succès de lécrivain masqué !
Arnaud Archambault ( Mis en ligne le 22/04/2002 ) Imprimer | | |