L'actualité du livre Jeudi 28 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Littérature  ->  
Rentrée Littéraire 2021
Romans & Nouvelles
Récits
Biographies, Mémoires & Correspondances
Essais littéraires & histoire de la littérature
Policier & suspense
Classique
Fantastique & Science-fiction
Poésie & théâtre
Poches
Littérature Américaine
Divers
Entretiens

Notre équipe
Essais & documents
Philosophie
Histoire & Sciences sociales
Beaux arts / Beaux livres
Bande dessinée
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Littérature  ->  Romans & Nouvelles  
 

Exsuder sa violence
Paul Smaïl   Vivre me tue
Balland 2003 /  17.50 € - 114.63 ffr. / 188 pages
ISBN : 2-7158-1435-6
FORMAT : 14x21 cm

Roman publié pour la première fois chez Balland en 1997. Egalement disponible au format poche (J'ai Lu, 1998).
Imprimer

Paul avait entamé un roman dont la première phrase, «Vivre me tue», l’empêcha d’aller plus loin. «En trois mots en somme, j’avais tout dit» (p. 140), explique l’auteur. On acquiesce, sans regretter cependant qu’il n’en ait dit un peu plus, tout compte fait. Vivre me tue est cette poursuite, le développement de cet aphorisme poignant, pour tenir une promesse faite à son frère sur son lit de mort.

Paul Smaïl est un Français hors de France, un de ces citoyens de seconde zone tels qu’on tolère que notre société les fasse, à la marge ; un Français de touche… Fils de France, amoureux de sa langue et de son pays (si, ce pourquoi il finit par le fuir), ce jeune homme est l’aîné d’un cheminot bibliophile et le neveu d’un arabe tué en octobre 1961 (honte historique, trop facilement oubliée, à laquelle il consacre un chapitre court et cinglant)…
Amant des mots, bac+5, il livre des pizzas pour des Français dont il nous trace les portraits à la serpe. On évoquera, pour sa terrible véracité, celui de la libraire, gauchiste bon ton et fasciste masquée, criant haut et fort en les montrant du doigt qu’elle tolère les maghrébins et n’est pas raciste. Paul la surnomme «la Mrape, la Licrave, Cuvée rouge» (p.115)…

Le roman est le récit d’une vie, celui d’une intégration somme toute impossible. Tant qu’il faut montrer patte blanche, on n’est toujours pas du foyer… Le mérite de l’auteur est de ne jamais tomber dans le misérabilisme, la violence gratuite ni le pathos un peu facile. Vivre me tue est un roman grave et conséquent. Les mots y sont pesés, pondérés, estimés à leur juste valeur. Paul Smaïl les lance sur le papier comme des uppercuts ; il fait mouche. Il écrit avec une arme à feu.

On se trouve devant un lion en cage. L’écriture est agitée. Les mots vont et viennent, animaux dans ce caisson étroit : notre société, le présent, ses injustices. Il y a de la violence dans ce verbe, mais une violence légitime, vengeresse et maîtrisée. Plutôt que de poser une bombe au métro Maison-Blanche, Paul Smaïl a écrit un livre. Amoureux de littérature, animé de cette indicible fringale de lire, il manie les mots avec maestria. «Il fallait que j’exsude ma violence» (p.137.), confesse-t-il.

L’écriture, peinture d’une vie à l’encre noire, n’est pourtant pas lourde. Il n’y a ni cynisme, ni renoncement ici. Les mots sont durs mais ils sonnent juste. Le Barbès quotidien de Paul est une scène magnifique, où l’on trouve à la fois la tendresse humaniste d’un Pennac et la bile d’un Céline, sa fatigue aussi. Les personnages, sans doute parce qu’ils sont vrais, touchent sans artifice. Daniel, le frère mal dans sa peau et dans ses muscles, conjuguant le mal-être d’un "rebeu" et celui d’un homo, est un personnage tragique et superbe.

C’est sur sa trajectoire que la récente adaptation cinématographique du roman (Vivre me tue, de Jean-Pierre Sinapi, avec Sami Bouajila, Jalil Lespert et Sylvie Testud) s’est concentrée. Le roman, réédité à l'occasion de cette sortie cinéma, est plus large de sorte que les deux œuvres se complètent, sans plagiat ni trahison, par le 8 mm.

Le roman de Paul Smaïl est donc un terrible chef-d’œuvre, une gifle magistrale faite à une société dont le pire crime est sans doute de pousser à la haine de soi. Le lion va et vient dans cette cage qu’il aurait chérie, et finit par rêver d’horizons marins, d’un retour au bled… où il n’a jamais été. Une lecture saine et édifiante en ces temps post-paponistes et sarkoziens…


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 25/07/2003 )
Imprimer
 
SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

 
  Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
Site réalisé en 2001 par Afiny
 
livre dvd