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Pénélope des Soviets
Andreï Makine   La Femme qui attendait
Seuil 2004 /  18 € - 117.9 ffr. / 213 pages
ISBN : 2-02-063743-X
FORMAT : 14x22 cm
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L’œuvre d’Andreï Makine, c’est un greffon de francophonie qui a bien pris, au point de dépasser la souche mère. Sa langue a ce velouté parfois oublié en France, ce respect des mots et de la syntaxe que maints critiques ont salué comme venant d’un autre siècle. Lire du Makine, c’est d’abord se faire un plaisir immensément littéraire.

Ici, dans La Femme qui attendait, le romancier raconte le destin d’une femme vieillie par l’histoire et ses drames. Dans le petit village de Mirnoïé, Vera, ancienne universitaire léningradoise devenue institutrice dans ce trou pommé, attend le retour d’un amour parti en guerre, et jamais revenu… Dans son manteau militaire trop long pour elle, elle scrute le carrefour vicinal et sa boite aux lettres. Elle attend, comme un bouton féminin jamais éclos mais encore jeune, enserrée dans l’écorce communautaire de vieilles veuves la préfigurant…

Cette condition a de quoi émouvoir le narrateur, jeune auteur dissident venu dans cette campagne retirée trouver matière pour un essai satirique à l’allure d’ethnographie. Mais devant la vieille étudiante en linguistique, il déniche l’inspiration fraîche d’une plus belle histoire, celle de la femme qui attend. Vera excite en effet en lui l’écrivain et l’homme, double objet de désir, celui de prendre, celui de comprendre. Avec sa plume, il recoud l’hymen, idéalisant Vera, plus qu’elle ne le mérite, peut-être. Osons le mot : il la «madonnifie» ! Devenue cette étrange Pénélope perdue dans ces forêts septentrionales, elle est prise entière par l’espoir de revoir son «Martin Guerre», lui-même héroïsé. Le paradoxe veut cependant que, devant son immaculée conception, le narrateur désire aussi goûter au fruit défendu et ramener un peu brutalement Vera sur la terre d'amours bien humains; il nous livre alors, en plus de ce superbe portrait de femme, le récit touchant d'un couple qui se cherche maladroitement...

Et si le temps semble s’être suspendu sur cette petite communauté rurale, loin des grandes capitales soviétiques où, sous les premiers coups de boutoir de la littérature dissidente, commence à craquer le vernis léninien, Mirnoïé a pourtant bien souffert de la tourmente : en témoignent ces dizaines de veuves patriotiques, revers noir d’une armée rouge morte au combat. «Non, elle n’avait pas choisi d’attendre, elle avait été cruellement happée par une époque, par ce passé de guerre qui s’était refermé sur elle telle une souricière.» (p.88)

Alors, loin de tout mais au cœur de l’histoire, ce jeune homme apprenti écrivain et cette ancienne intellectuelle revenu au bercail, apprennent à se reconnaître, dans le tâtonnement hésitant du jour nouveau, une barque avançant calmement sur un lac bientôt gelé, dans le silence d’une nature sourde aux affaires humaines.
C’est tout simplement magnifique.


Bruno Portesi
( Mis en ligne le 13/02/2004 )
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