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Sex and Drugs and Delirium
Jean-Pierre Théolier   Résidence
Calmann-Lévy 2004 /  20 € - 131 ffr. / 522 pages
ISBN : 2-7021-3433-5
FORMAT : 14 x 21 cm
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Ce qu'il y a de bien avec Résidence, c'est que le livre ne peut pas se résumer. L'éditeur lui-même ne s'y essaye pas. Quitte à admettre son impuissance à cerner l'œuvre, écrite vraisemblablement sous l'influence de puissants hallucinogènes, il se résout, en guise d'accroche sur la quatrième de couverture, à en dresser un inventaire surréaliste, alléchant et décousu. La tâche du critique, affranchi de l'obligation d'avoir compris, s'en trouve du coup considérablement simplifiée.

Et puisque l'intrigue, si l'on peut appeler ainsi la trame narrative autour de laquelle le projet de Jean-Pierre Théolier s'enroule et se déroule, est inracontable, reste la possibilité, hasardeuse, de donner quelques clés au lecteur potentiel. De suggérer des niveaux de lecture. Résidence étant composé de trois « Fragments », on peut appréhender le livre en archéologue. En extraire patiemment des pièces, les regarder sous toutes les coutures, et tenter de les déchiffrer pour les agencer logiquement entre elles. Roman fleuve ou puzzle à la Escher, dans lesquelles les formes s'emboîtent et livrent des perspectives trompeuses, Résidence est un objet littéraire dont on distingue les parties sans forcément embrasser le tout.

Plus classiquement, on peut lire ce livre comme un roman. C'est alors l'histoire d'un noyau de personnages marginaux, mais pas trop. Consommateurs avides de drogues diverses, souvent dures, et de boissons alcoolisées avec une prédilection pour la bière et le pastis, les rêveurs jouisseurs désespérés de Théolier vivent et aiment en s'arrimant à un monde qui n'est pas tout à fait le leur. Un monde dont les principaux points de repère géographiques sont le bistrot du coin, la pharmacie (pour les amphétamines et les psychotropes) et une étrange bâtisse maudite, la maison Bergamme.

Abordé selon une perspective symbolique, Résidence apparaîtra comme une histoire de la perte. Perte des repères, de la vie, du sens. Cyril, le seul protagoniste qui tente littéralement l'aventure au grand large, en s'embarquant sur un cargo mixte pour plusieurs semaines, en est le symbole parfaitement abouti : il y perd celle qu'il aime, la confiance en son ami, et finalement, il s'y perd lui-même. Sous un angle plutôt analytique, on verra dans Résidence une gigantesque entreprise cathartique, l'accomplissement d'un long voyage personnel de l'auteur. Un défi à soi-même, non exempt de masochisme. On peut enfin lire le premier roman de Jean-Pierre Théolier en initié, en y cherchant des références artistiques, plus ou moins explicites. Le parrainage de glorieux aînés, tels Philip K. Dick ou Burroughs. La Résidence, équivalent théolien de l'interzone ?

Quelle que soit l'approche retenue, ce qui fait la force du livre, c'est son foisonnement, la puissance évocatrice des images, l'énergie absolue qui s'en dégage. La sincérité de certains passages, aussi, avec notamment la parenthèse amoureuse de Florence et Sedan, très réussie. Ce qui fait son originalité, c'est l'absolu non-conformisme de sa construction et de son rythme, la coexistence des langages, du plus cru au plus recherché. A cet égard, Résidence remporte haut la main le prix 2004 de l'ouvrage le plus riche en mots rares et locutions françaises, authentiques ou inventées (au hasard : chrononaute; noradrénaline; miasmatique; oniromancien; pansophiste; hyperprosexie; glossolalie…) Ce sont toutes ces qualités qui font aussi la limite de Résidence : sa complexité décourageante, cette touffeur qu'aucune machette littéraire n'aide à éclaircir et qui incite, plus d'une fois, à renoncer et à refermer le livre.

«A vous qui avez lu ces fragments excessivement obscurs, je veux dire que désormais, j'aimerais écrire le plus simplement et le plus clairement possible», déclare l'auteur en postface (p. 520), enfin en veine de connivence. La franchise et la lucidité de Jean-Pierre Théolier sont à saluer. De même que son imagination, son souffle, voire son courage. Mais décidément, on a bien du mal à aimer son livre, trop hermétique. Et l'on se dit que les éditions Calmann-Levy seraient bien inspirées de le livrer accompagné de quelques-unes de ces pilules magiques dont se gavent ses personnages. Pour, qui sait, faire accéder le lecteur à ce niveau de conscience ultime, d'empathie avec l'auteur, où Résidence prendrait enfin tout son sens.


François Gandon
( Mis en ligne le 03/03/2004 )
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