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Littérature -> Romans & Nouvelles |
| Matthew McIntosh Well Seuil - Cadre vert 2004 / 19 € - 124.45 ffr. / 288 pages ISBN : 2020613352 FORMAT : 15 x 21 cm
Traduit de langlais (Etats-Unis) par Philippe Aronson Imprimer
Entre le roman et le recueil de nouvelles, Well dépeint la vie dune poignée dhabitants de Federal Way, banlieue de Seattle. Selon une architecture savante, Matthew McIntosh nous donne des aperçus, dabord éclairs puis sattardant de plus en plus longuement, sur la déroute dun étudiant, la lente déchéance dun barman, linstallation de la violence domestique au sein dun couple. Il restitue quelques heures de la vie dun homme qui en disent long sur sa solitude, sur le triomphe dun quotidien grisâtre sur les espoirs de jeunesse. Puis passe à un autre personnage, boxeur ou mère de famille, pour revenir à nouveau au premier. Et les portraits se répondent subtilement.
Car ces histoires tissées, on laura compris, nont pas pour unique point commun lunité de lieu. Relient ces piteux destins la solitude, la douleur (pour combattre la solitude ?), laddiction à lalcool, à la drogue, au sexe (diversion à la solitude ?). Un livre au titre on ne peut plus ironique, en conclura-t-on. Sauf si lon sait que well ne signifie pas seulement « bien », mais peut aussi se traduire par « puits ». Ces personnages sont « au fond du trou ». « Oh, ça peut marriver nimporte où, explique une femme dès les premières lignes pour décrire sa dépression chronique [
] : tout dun coup je chope le truc cest une impression plutôt quune image, une sorte de sensation comme quand tu marches dans le noir en évitant de te cogner dans les meubles, voilà limpression dêtre au fond dun puits. »
Well, cest aussi linterjection machinale dont ces personnages ponctuent leur récit. « Bon. Je suis assis, le masque sur la tronche [pour fumer un joint], et joublie pendant une seconde que je suis claustro : cest vachement agréable, je suis carrément à laise à observer les volutes de fumée autour de moi ; puis, je commence à penser à ceux qui ont dû porter ce masque par nécessité. » Traduire : « Jusque-là, tout va bien », ou plutôt : « Lintolérable nest pas loin. » Et il y a encore ce « WEL » inscrit sur un sachet de substance suspecte découvert avec angoisse par une mère de famille.
A 27 ans seulement, Matthew McIntosh recueille déjà les louanges du monde littéraire. Le génial écrivain Hubert Selby Jr, peintre lui aussi de la low middle class américaine, salue en ce roman « un plaisir de lecture, une merveilleuse expérience humaine ». On a aussi comparé le jeune auteur à Raymond Carver. Sans (chercher à) atteindre la cruauté du premier ou la subtilité du second, McIntosh adopte un style simple qui reflète lenvironnement social de ses personnages, tout en réussissant à trouver un ton singulier, comme en témoigne la trouvaille de ce well qui conclut les récits, anodin et qui pourtant condense tant de significations : limminence du malheur et sa banalisation sous leffet de laccoutumance. Et cest peut-être laspect le plus tragique de ces existences : non pas la douleur, la solitude, le malheur, mais la résignation.
On invitera le lecteur à dépasser les premières dizaines de pages : plus McInstosh sattarde sur ces trajectoires figées dans un quotidien sans joie, plus son talent se dévoile. Un auteur à découvrir.
Elise Goldberg ( Mis en ligne le 12/01/2005 ) Imprimer | | |
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