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Roman d’une famille du livre
Amineh Pakravan   Le Libraire d’Amsterdam
Nouveau monde 2008 /  19 € - 124.45 ffr. / 319 pages
ISBN : 978-2-84736-315-9
FORMAT : 14,0cm x 22,5cm

Traduction de Jacques Barbéri.

L'auteur du compte rendu : Diplômé de l'Ecole nationale des chartes et de l'Ecole nationale supérieure des sciences de l'information et des bibliothèques, Rémi Mathis est conservateur, responsable de la bibliothèque de sciences humaines et sociales Paris-Descartes-CNRS. Il prépare une thèse sur Simon Arnauld de Pomponne à l'université Paris-Sorbonne sous la direction de Lucien Bély.

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À l’origine de ce livre est une famille de typographes champenois, les Pradel. Originaire de Troyes, pays de foires, d’imprimeurs et de moulins, Simon vit au tout début du XVIe siècle et engage ses descendants dans la voie de l’imprimé. Son fils Mathieu (1501-1586) naît à Troyes mais meurt à Anvers où s’est installé le représentant de la troisième génération Simon (1532-1582). C’est du point de vue de Guillaume, né en 1571 et fils de ce second Simon, que le roman revient sur l’histoire de cette famille d’artisans du livre, déchirée par les querelles religieuses et portée par les nombreux événements de l’Europe de la Renaissance : une discussion menée en 1638 avec son vieil ami marin Jean des Sept-Écluses est pour Guillaume l’occasion de revenir sur un siècle de roman familial avec pour toile de fond les bouleversements politico-religieux de la Renaissance et pour paysage le monde du livre européen.

Graveur et fondeur de caractères, Mathieu rencontre le grand imprimeur lyonnais Sébastien Gryphe et tout le petit monde qui gravite dans son atelier, Jean de Tournes, Étienne Dolet, Rabelais… La répulsion que lui inspire l’orgueil d’Étienne Dolet amène le vieux Mathieu, qui a quitté Lyon pour Paris où il travaille pour Henri Estienne, à aller voir sa mise à mort sur la place de Grève : c’est là que le quitte son fils Simon, qui ne supporte plus son père et va chercher aventure. Une aventure qui passe par un retour à Lyon mais surtout par sa conversion à la religion réformée. À grand renfort de retours en arrière, les épisodes de la vie des hommes s’éclairent peu à peu : c’est Jean II de Tournes, que Guillaume rencontre en 1598, qui raconte la fin de la vie de Simon, souffrant des mesures prises par le pouvoir royal contre les huguenots : il doit s’enfuir à Genève. S’il retrouve son père à Paris, c’est pour se faire maudire par ce dernier, qui ne supporte pas sa conversion. Simon s’installe finalement à Anvers en 1564 pour travailler chez Christophe Plantin : il y amène son père qui échappe de peu à la Saint-Barthélemy car, bien que catholique intransigeant, ses amis et son fils sentent par trop le fagot.

Guillaume voit son père Simon et son grand-père Mathieu mourir à quelques années d’écart quand il est encore jeune mais, sur la recommandation de Plantin, il peut faire son apprentissage chez Elzevier, à Leyde. Il y apprend le calcul et s’intéresse à la géométrie et à la géographie. Cela lui donne l’occasion de se rendre à Hven, chez Tycho Brahe, afin de s’occuper de ses instruments astronomiques. Après encore bien des aventures, il s’installe à Amsterdam et imprime atlas et cartes géographiques. Le retour en arrière cesse en 1638, quand Guillaume décide de partir sur le navire de son ami Jean des Sept-Écluses, qui se livre aux Antilles à des activités peu goûtées des Espagnols : c’est alors la confrontation des idées de l’«intellectuel» et du baroudeur, de celui qui a représenté le monde et celui qui l’a parcouru.

Ce livre écrit en italien par une Iranienne ayant fait ses études en France répond agréablement à ce que l’on peut attendre d’un roman historique. Il a été bien accueilli en Italie (Marsilio, 2005) où il a remporté plusieurs prix. On y sacrifie certes à l’habitude de faire d’un récit un microcosme des événements les plus mémorables qui se sont passés pendant près d’un siècle : le roman est une galerie des grands hommes de la Renaissance. Guillaume connaît personnellement les plus grands imprimeurs et les meilleurs géographes du temps (Mercator, Ortelius, etc.), travaille pour Tycho Brahe, rencontre Galilée à deux reprises, assiste à l’exécution de Giordano Bruno. Malgré cette réserve, on y trouvera dans l’ensemble un agréable récit, qui évite pour l’essentiel le grand péché qui rôde toujours au coin des pages : l’anachronisme – particulièrement, la volonté de plaquer notre morale sur des périodes anciennes. Saluons cet effort car il est bien rare lorsque l’on parle de cas – tels les condamnations de Giordano Bruno ou de Galilée – qui blessent nos esprits modernes.

Surtout, l’auteur fait un remarquable effort pour replacer son récit dans le contexte de tensions religieuses et de toutes les peurs, de toute la ferveur et toute l’exaltation que font naître ces querelles souvent brutales et parfois sanglantes. Dans ce large cadre, celui plus précis du monde du livre fait lui aussi l’objet d’un rendu intéressant. On y voit des hommes qui sont à la fois de grands marchands qui expédient leur production à l’autre bout de l’Europe, des savants cherchant à procurer de bonnes éditions des textes antiques ou contemporains et des artisans soucieux de la bonne marche de leur atelier. Des hommes qui entretiennent parfois des relations ambiguës avec le pouvoir, entre faveur royale et attirance pour un protestantisme honni. Dans l’ensemble, le livre est très bien informé, particulièrement des événements politiques de la fin du siècle aux Pays-Bas espagnols.

Au fil des tribulations de ses héros, Amineh Pakravan peint le tableau d’un monde en pleine mutation et fait revivre les figure des grands imprimeurs-libraires de l’époque, Sébastien Gryphe, Robert Estienne, Jean de Tournes, Christophe Plantin, les Elzevier, etc. À travers un récit de lecture facile et agréable, ce tour d’horizon – forcément international tant les liens intellectuels et commerciaux transcendaient les frontières des États – nous rappelle combien la culture européenne doit à l’imprimé et au monde du livre.


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 07/07/2008 )
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